COMMENT, sans jouer les cartomanciennes, prédire l’avenir d’une profession dans un monde en constant mouvement, un système de santé soumis à des règles mouvantes, et un rapport de la population à la médecine et au médicament qui ne cesse d’évoluer vers toujours plus de « consommation » et d’exigence impérieuse à la fois de sécurité et de satisfaction immédiate ? Conscient du caractère risqué de son entreprise, c’est à cet exercice de haute voltige qu’Olivier Catala, pharmacien d’officine à Amplepuis (Rhône) et enseignant à la faculté de pharmacie de Lyon, s’est livré devant un congrès curieux et prêt au débat. Limité à la situation en France, son constat tient en peu de mots : face à la pénurie croissante de médecins généralistes, surtout dans les zones rurales, et au désengagement de la Sécurité sociale dans le « petit risque », le pharmacien devient de plus en plus souvent le premier recours. Jusqu’où ?
Éviter les conflits d’intérêts.
Le deuxième constat tient aux vertus de la proximité : aujourd’hui, grâce au maillage serré des officines sur l’ensemble du territoire national, les patients ont un accès aisé au médicament, profitent d’un conseil personnalisé, voire, bientôt, d’une éducation thérapeutique, et le pharmacien peut jouer pleinement l’un de ses rôles majeurs, la prévention du risque iatrogène. Mais demain ? Les lois de l’économie, les contraintes du métier freinant les vocations (voire les dernières statistiques de l’Ordre en page 2) et la contraction des dépenses de santé ne vont-elles pas réduire drastiquement le nombre d’officines ? Avec quelles conséquences ? Ces questions, pour Olivier Catala, conduisent inévitablement à s’interroger sur les exigences auxquelles doit répondre, dès aujourd’hui, un « bon enseignement » de la pharmacie, pour former des professionnels qui, dans moins de dix ans, sauront disposer « d’informations validées, mais resteront aussi capables de les obtenir rapidement », tout en veillant constamment, dans leur pratique quotidienne, à « prendre du recul, et garder un esprit critique et indépendant ».
« Je m’évertue, toute l’année, insiste le pharmacien-enseignant, à expliquer aux étudiants qu’ils doivent acquérir une vertu très difficile à pratiquer : l’indépendance d’esprit », celle qui, notamment, procède d’une « formation et d’une information totalement indépendante des industriels, loin des risques de conflit d’intérêts ».
L’ambitieuse loi HPST.
Dans une société saturée d’informations plus ou moins validées (Internet), et avec des patients qui « souvent, en savent plus que leur pharmacien », comment concevoir des enseignements assez solides et polyvalents pour assurer la formation de professionnels contraints de s’adapter constamment ? Avec Bernard Minne, c’est aussi le regard d’un officinal qui est venu prolonger ces premières interrogations, doublé de celui d’un ordinal : président du conseil de l’Ordre de la région Rhône-Alpes, ce dernier a insisté sur les ambitions, en forme de « défis à la profession », de la récente loi HPST, qui « place le pharmacien au cœur du système », entend en faire « un acteur des soins de premier recours » qui participe « pleinement à la coopération entre professionnels de santé », à l’éducation thérapeutique des patients, à la permanence des soins…
On aura compris que, outre le défi d’une société en profonde mutation, avec des patients souvent devenus des consommateurs avertis, s’ajoute pour l’officinal de demain « le challenge d’une loi HPST, certes excellente pour l’essentiel, mais qui va peu à peu changer l’exercice ». Le véritable motif d’inquiétude, à cet égard, conclut le président régional de l’Ordre, restant néanmoins le modèle économique de l’officine, aujourd’hui en pleine crise.
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