Un rapport publié l’an dernier par la Fédération nationale des titulaires des officines italiennes a recensé en février 2023 quelque 19 997 pharmacies, soit une officine pour 2 952 habitants, dont 18 311 privées. Cette étude note par ailleurs une croissance exponentielle du nombre de pharmacies depuis l’adoption d’un décret en 2012 dont l ‘objectif était d’élargir le réseau sur l’ensemble du territoire. À titre d’exemple, 430 nouvelles officines ont été inaugurées entre 2016 et 2019 et 93 autres en 2022 grâce à ce dispositif. Une nouvelle réjouissante pour les habitants de la Péninsule et les pharmaciens du moins, jusqu’à l’adoption en 2017 de la loi sur la concurrence qui a sacrément compliqué la vie des titulaires. En effet, ce dispositif qui a permis aux sociétés de capitaux de se constituer un portefeuille d’officines et de détenir jusqu’à 20 % du nombre total d’officines dans une région ou dans les deux provinces autonomes de Trente et Bolzano, a ouvert les portes du marché aux grandes chaînes. « Nous sommes pris dans un véritable étau, les groupes ont des moyens que nous n’avons pas pour stimuler le personnel ou augmenter les ventes en multipliant par exemple les promotions », note le Dr Luca Pagano, titulaire avec son frère Paolo, d’une officine située à Rome derrière le Colisée.
Les leaders du marché des chaînes
C’est vrai car engager une compétition avec par exemple le groupe tchèque Dr.Max, est pratiquement mission impossible. « Mes conditions de travail se sont améliorées comme mon salaire, je suis des cours payés par l’entreprise pour améliorer mes compétences et j’ai des possibilités de carrière que je n’aurais pas avec un privé », confie sous anonymat le directeur d’une pharmacie rachetée par la chaîne Dr.Max en octobre dernier à Rome. Fondé en 2004, ce groupe qui a commencé à planter ses drapeaux en Italie en 2018, est aujourd’hui implanté dans 9 régions avec un réseau de 210 pharmacies après avoir racheté en novembre dernier l’italien Neo Apotek S.p.A crée en 2019 par une famille de pharmaciens. Avec 1 300 salariés (pharmaciens et professionnels de la pharmacie), et un chiffre d’affaires de 62 millions d’euros en 2022, le bilan de l’an dernier n’ayant pas encore été publié, Dr Max fait désormais partie des acteurs incontournables en Italie.
Les chaînes représentent 23 % du marché italien et plus de 22 % du chiffre d’affaires à l’échelle nationale
Un autre groupe mais cette fois-ci italien, joue les têtes d’affiche : Lafarmacia, la première chaîne de pharmacies avec 325 points de vente et quelque 1 300 salariés, qui appartient au groupe Hippocrates Holding fondé il y a six ans par deux Italiens. L’objectif du groupe est de créer un réseau capillaire de 1 000 officines d’ici à 2030. D’autres chaînes se bousculent également aux portes des pharmacies pour gonfler leur portefeuille. C’est le cas par exemple de Farmacie Italia. Cette enseigne crée elle aussi en 2018 par une société de capitaux financée par le fond F2i, a une soixantaine de points de ventes disséminés dans tout le pays et un site de ventes en ligne. L’idée est d’élargir son réseau et des pourparlers sont en cours avec des pharmaciens indépendants prêts à vendre leur officine. Ou encore de Farmagora qui a réalisé un chiffre d’affaires de 41,5 millions d’euros en 2023 avec ses 34 pharmacies et qui s’est lancé dans la chasse aux officines, son objectif étant de réussir à convaincre au moins une quinzaine de titulaires à céder leur affaire d’ici fin 2024. D’autres groupes sont également présents comme Farma Acquisition avec 80 officines.
Les Indépendants entrent en résistance
Dans un contexte où les groupes tentent de s’imposer, les pharmaciens indépendants sont entrés en résistance. En 2018 déjà, soit un an après l’adoption de la loi sur la concurrence, la Fédération nationale des titulaires d’officines italiens (Federfarma) et la Fédération des services pharmaceutiques (Federfarma Servizi) avaient constitué un réseau appelé Sistema Farmacia Italia. L’objectif de cette opération était de protéger et valoriser les officines indépendantes prêtes à s’engager pour résister face à l’envahisseur, c’est-à-dire les chaînes constituées par des sociétés de capitaux. Depuis, quatre ans sont passés, les chaînes qui représentent 23 % du marché national et plus de 22 % du chiffre d’affaires à l’échelle nationale peaufinent leurs plans d’attaques notamment dans le pays pour renforcer leur périmètre. En face, les pharmaciens indépendants entassent les sacs de sable et étudient de nouvelles stratégies pour survivre.
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