Le Quotidien du pharmacien.- Votre dernière étude sur l’économie des officines met en exergue une augmentation de la rémunération des gérants des pharmacies en société. Faut-il y voir la conséquence directe de l’amélioration de la situation financière des officines ?
Philippe Becker.- Vous avez raison de le souligner : nous notons une progression de plus de 10 % du revenu net des gérants avant impôt sur le revenu. C’est sans aucun doute à mettre en lien avec la croissance forte de l’activité et de la rentabilité en 2021. Cette situation est en rupture avec ce que nous pouvions constater les années précédant la crise sanitaire puisque la rémunération moyenne annuelle ne bougeait pas ou peu à un niveau se situant entre 56 000 et 58 000 euros !
Peut-on espérer mieux en 2022 ?
Philippe Becker.- Sur la base des chiffres d’activité du début 2022, on pourrait dire assez facilement oui, mais attention toutefois à l’atterrissage fin 2023, il est sans visibilité !
Dans l’hypothèse d’une croissance moindre, les officinaux pourront toujours ajuster leur rémunération à la rentabilité de leur pharmacie !
Olga Romulus.- C’est bien là où le bât blesse car faire baisser une rémunération est toujours un peu compliqué psychologiquement et cela le sera encore plus financièrement dans un contexte d’une forte inflation. Il faut aussi rappeler que la rémunération des associés exploitants d’une pharmacie en société est déterminée en assemblée générale, par conséquent toutes les modifications doivent passer par cette étape – cette situation est différente pour ceux qui exploitent en nom propre et qui peuvent faire varier leurs prélèvements mensuels en toute liberté.
Justement, à quel niveau l’expert-comptable peut-il intervenir pour aider le pharmacien à fixer son niveau de rémunération ?
Olga Romulus.- En pratique, il y a deux cas à envisager : le début d’activité pour lequel nous n’avons pas de référence hormis un plan prévisionnel qui reste, quoiqu’on le dise, une modélisation théorique. Dans ce cas, nous préconisons une rémunération pour la première année d’exploitation aussi proche que possible de celle que percevait le nouveau titulaire antérieurement, soit comme adjoint s’il est primo-accédant, soit comme ancien titulaire s’il possédait déjà une pharmacie. Dans l’officine ayant une allure de croisière, nous faisons une simulation sur la base des derniers bilans et comptes de résultat en restant sages sur les hypothèses de croissance et en restant attentifs aux grands équilibres financiers. Aujourd’hui, les cabinets comptables ont à leur disposition des outils de calculs qui sont fiables pour connaître les incidences fiscales et sociales afin de guider les chefs d’entreprise dans leurs décisions en la matière.
À ce propos la rémunération dont vous parlez dans vos statistiques est-elle nette ou brute ? En d’autres termes les gérants doivent-ils régler leurs cotisations sociales personnelles avec leurs propres deniers ?
Philippe Becker.- Pour des raisons de comparabilité, nous faisons dans notre étude un retraitement qui permet de présenter une rémunération nette avant impôt sur le revenu bien entendu. Aujourd’hui, dans la majorité des cas des officines en société, les associés décident en assemblée générale la prise en charge par la pharmacie des cotisations TNS (travailleurs non salariés) qui constituent un élément de rémunération accessoire. Attention cependant, ceci n’est pas une obligation et on peut aussi verser une rémunération brute plus importante pour que le titulaire s'acquitte à titre personnel de ses charges dites TNS.
Entre associés, la question de la rémunération de gérance ne peut-elle pas être cause de dissension ?
Philippe Becker.- Oui et c’est bien pourquoi il faut respecter le formalisme juridique à chaque fois qu'il est nécessaire. Au-delà, le règlement intérieur peut aussi prévoir les grandes règles de fixation des rémunérations, par exemple la stricte égalité ou encore un mode de calcul basé sur un taux horaire lorsque les temps de travail sont différents. De notre point de vue, il ne faut pas rentrer dans un processus d’association si les choses ne sont pas clairement définies préalablement.
Peut-on prévoir un système de rémunération fixe mensuelle auquel s’ajouterait un intéressement payé sous forme de prime et basé sur un agrégat économique comme le chiffre d’affaires ou la marge brute par exemple ?
Olga Romulus ;- C’est une formule qui peut s’étudier et qui présente le premier avantage de motiver les associés au-delà d’une simple multiplication d’un taux par un nombre d’heures. La question est, comme toujours, le choix de l’indicateur ! Ce dernier doit être pertinent par rapport à l’officine en question et aisément mesurable au fil du temps. Le deuxième avantage est de calculer une partie de la rémunération sur la santé économique de l’officine et plus généralement sur celle du monde officinal. Quand tout va bien, il y a un bonus qui peut être diminué ou remis en question le cas échéant quand les affaires sont plus difficiles. Dans ces hypothèses, on peut même prévoir de laisser tout ou partie des sommes en compte courant d’associé pendant une année pour amortir la sortie de trésorerie. Tout cela devant être écrit dans le procès-verbal d’une assemblée générale préalablement réunie.
L’autre formule est le versement de dividendes quand la situation est bonne. N’est ce pas finalement la meilleure solution ?
Philippe Becker.- C’est une autre option qui est souvent à considérer avec quelques dièses ou bémols : les dividendes ne sont pas déductibles de l’impôt sur les sociétés, ils sont fiscalisés et peuvent entraîner le paiement de cotisations TNS au-delà d’un certain seuil, et surtout ils sont versés en fonction de la participation au capital de la société. Chacun comprendra que le dividende rétribue l’investissement et le risque capitalistique, alors que la rémunération de gérance est en lien avec le travail effectué quotidiennement au sein de la pharmacie. Ce sont deux approches différentes !
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