Le Quotidien du pharmacien. - Quel est votre positionnement sur les fondamentaux de l’officine (maintien du monopole pharmaceutique, détention du capital exclusivement par des docteurs en pharmacie, vente en ligne de médicaments et assouplissement de la publicité) ?
Marine Le Pen. - Dans un contexte d’extension des déserts médicaux et de difficultés de maillage territorial des officines, le maintien du monopole pharmaceutique, qui est un monopole fondé sur la compétence, me paraît indiscutable. Je ne suis pas favorable à l’ouverture du capital des officines à des investisseurs extérieurs (notamment aux laboratoires pharmaceutiques) ni à l’assouplissement des conditions de la vente en ligne des médicaments sans ordonnance.
Comptez-vous pérenniser et étendre les rôles confiés aux pharmaciens pendant la pandémie, notamment dans le domaine de la prévention (dépistage, vaccination…), de l’accès aux soins et des missions de santé publique ?
Le périmètre des missions des pharmaciens devrait être élargi dans trois domaines. Premièrement, le dépistage des maladies chroniques (cancer colorectal, diabète…) et des pathologies infectieuses (TROD), mais également le dépistage de la fragilité (la dénutrition notamment) des personnes âgées à risque de perte d’autonomie, qui devrait être intégré dans le bilan partagé de médication. Deuxièmement, l’élargissement de la vaccination à d’autres vaccins que la grippe pour les personnes âgées (vaccin anti-zona, vaccin antipneumococcique…) et la mise en place du carnet vaccinal numérique. Enfin, il doit être élargi pour les missions de santé publique comme l’éducation thérapeutique du patient visant l’observance du traitement, le bon usage des médicaments et la prévention de l’iatrogenèse médicamenteuse.
Sur le dossier de la désertification médicale : envisagez-vous une aide aux pharmaciens installés en zones sous-dotées ?
La revalorisation des actes en zones sous-dotées fait partie de mon programme. Pour les médecins exerçant dans les déserts médicaux, je propose une rémunération de la consultation modulée selon le lieu d'installation. Il me paraît nécessaire d’envisager également une revalorisation des actes des pharmaciens installés en zones sous-dotées, notamment les actes de prévention et de dépistage, l’éducation thérapeutique, ou la vaccination.
Pensez-vous restructurer l’organisation des soins et de la santé dans les territoires, notamment en réformant les ARS ?
Ni la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ni celle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), n’ont permis de parvenir à une bonne complémentarité entre la médecine de ville et l’hôpital, ou entre le secteur public et le secteur privé. Il est urgent de desserrer l’étau bureaucratique et de lever le carcan administratif mis en place par les ARS. Je souhaite purement et simplement les supprimer afin de redonner la tutelle aux préfets. Les ressources sanitaires doivent être restructurées au plus près des bassins de vie, au niveau du département ou de l’intercommunauté, et non plus à l’échelon régional, qui est trop lointain. Je souhaite une nouvelle gouvernance territoriale conjuguant les forces de tous les acteurs autour du préfet : soignants, usagers, élus locaux, aidants non professionnels… Un comité d’échange permanent public/privé sera institué dans chaque département.
Dans le domaine de l’interprofessionnalité, prévoyez-vous une simplification de l’exercice coordonné et des incitations financières plus conséquentes ?
La reconnaissance et le développement des équipes de soins coordonnées autour du patient (ESCAP), solution interprofessionnelle soutenue par tous les syndicats (notamment par l'UNPS), permettront de renforcer et de simplifier la coordination entre les différents acteurs de premier recours. L’élargissement du périmètre des missions du pharmacien d’officine (dépistage, prévention, éducation thérapeutique, vaccination) requiert des incitations financières en ce qui concerne notamment les suivis identifiés (ALD, polypathologies…) et la coordination interprofessionnelle.
Le déploiement du numérique en santé sera-t-il poursuivi sous votre mandat (mise en place de « Mon espace santé », pérennisation de la téléconsultation, mise en œuvre du carnet vaccinal, de l’e-prescription…) ?
Le développement de la télémédecine sous toutes ses formes fait partie de mon programme : téléconsultation, télésoins, télé-expertise, télésurveillance médicale des maladies chroniques… La télémédecine permet d’établir un lien entre le patient et le médecin mais également entre les différents acteurs du parcours de soins. Le dossier pharmaceutique doit être raccordé rapidement au dossier médical partagé (DMP), rebaptisé " Mon espace santé ". Je veillerai aux mesures permettant la levée des principaux obstacles : l'interopérabilité des logiciels, la création d’un moteur de recherche efficace pour le DMP, la réduction des zones blanches numériques (notamment dans les territoires ultramarins) et la sécurisation des données et des messageries.
Que comptez-vous faire pour que la France joue à nouveau dans le concert des nations innovantes en matière de médicaments, d’essais cliniques, de R & D, d’investissements industriels et de relocalisation ?
La crise sanitaire a révélé notre faiblesse et notre dépendance en matière de production et d’approvisionnement en médicaments et en vaccins. Le déclin de l’industrie pharmaceutique française, qui est passée du 1er rang au 4e rang européen en matière de production pharmaceutique, mais aussi la désindustrialisation de notre pays et les délocalisations favorisent cette dépendance vis-à-vis notamment des pays asiatiques et des États-Unis. La lutte contre les pénuries de médicaments et la constitution de stocks de sécurité pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) relèvent de la sécurité nationale. La production de certains médicaments doit se faire sous pilotage public, sachant que la seule chaîne de production publique aujourd’hui est représentée par la Pharmacie centrale des armées (PCA).
Le financement de la recherche fondamentale et de la recherche clinique doit être un financement pérenne et la rémunération des chercheurs fortement valorisée. Sur le plan de l’organisation, je suis favorable à la création de nouveaux instituts hospitalo-universitaires (IHU) attractifs pour les industriels et les start-up. L’organisation et la régulation des plateformes de données de santé (Health Data Hub), qui visent à favoriser la recherche, ne doivent pas être détournées de leur objectif.
Concernant l’Europe de la santé, la création de l’HERA (Health Emergency Response Authority), prévue pour entrer en service en 2023, vise à renforcer les capacités européennes. Cette nouvelle structure aura entre autres pour missions de nouer des partenariats publics-privés avec l’industrie pharmaceutique et les organismes de recherche, de gérer les transferts de technologie, d’assurer la capacité et la flexibilité des fabrications, de contrôler la chaîne d’approvisionnement et faciliter la recherche et le développement des vaccins et des médicaments. Par ailleurs, la pandémie a permis une extension des mandats et le renforcement des moyens de l’Agence européenne du médicament (EMA). Nous approuvons certes un renforcement du rôle de ces agences dans la gestion des pénuries de médicaments, mais l’Europe de la santé ne doit pas porter atteinte à la souveraineté nationale en matière de santé. Les agences européennes doivent apporter un soutien aux services nationaux de santé, mais sans s’y substituer.
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