Le 25 août 2017, la direction générale des douanes et droits indirects informait par courrier la cour d’appel de Lyon de son désistement « de l’instance et de l’action à l’encontre de Messieurs Charrière et Seitz ». L’information est révélée publiquement lors de l’audience du 15 novembre suivant et conduit à la relaxe de deux pharmaciens lors du jugement du 20 décembre. C’est le soulagement pour les deux titulaires d’officine dans la Loire, Denis Charrière et Jean-Michel Seitz.
Rappel des faits. Jusqu’au 31 décembre 1998, les pharmaciens ont pu acheter, utiliser et vendre de l’alcool éthylique en franchise de droits d’accises pour des quantités déterminées en fonction du chiffre d’affaires de l’officine. Mais à partir du 1er janvier 1999, un nouveau régime en exonération voit le jour pour les alcools « utilisés à des fins médicales ou pharmaceutiques dans les hôpitaux (...) ainsi que dans les pharmacies », peut-on lire dans un bulletin officiel de la direction générale des douanes. Dix ans plus tard, l’interprétation des textes codifiés en 2001 dans le code général des impôts n’est plus la même. Non seulement les Douanes considèrent que tout alcool à 90° délivré par l’officine « doit l’être en droits acquittés (…) et ce depuis le premier litre délivré », mais elles estiment également que cette interprétation est rétroactive. Les premiers contrôles prennent de cours les pharmaciens savoyards, accusés de vendre de l’alcool détaxé servant à la fabrication du génépi, puis les contrôles se multiplient.
Interprétation
C’est lors d’une nouvelle vague de contrôles douaniers que des agents relèvent, en avril 2011, l’absence de comptabilité matière et une quantité d’alcool taxable de plus de 2 800 litres pour les pharmacies de Denis Charrière à Saint-Etienne et de Jean-Michel Seitz à Riorges (Loire). Les officinaux ont plaidé la relaxe en arguant que les Douanes « ne s’appuient pas sur un texte qui n’aurait pas été respecté, mais sur une interprétation nouvelle » du texte. En vain. Le 5 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne condamne les deux pharmaciens à une série d’amendes. Denis Charrière écope d’une amende de 15 euros pour l’absence de comptabilité matières, une amende de 15 euros pour paiement non conforme à la taxe d’accise sur l’alcool, mais aussi une pénalité de 13 837 euros, une confiscation en valeur de 1 000 euros et à une condamnation à payer 41 510 euros au titre des droits fraudés. Jean-Michel Seitz est condamné à trois amendes de 15 euros et écope de deux pénalités de 11 012 euros et 4 822 euros, une confiscation en valeur de 800 euros, et au paiement de la somme de 33 038 euros au titre des droits fraudés.
Relaxe
Le 12 novembre 2015, les pharmaciens interjettent appel, le ministère public aussi. C’est au cours de l’audience du 15 novembre 2017 que le désistement des Douanes est officiellement annoncé, suivi du désistement d’appel du ministère public. En cause ? Les arrêts de la cour de cassation des 22 février et 14 juin 2017, qui ont « jugé qu’aucun droit sur l’alcool pur acquis par les pharmaciens dans la limite d’un contingent annuel n’était dû, en vertu de l’article 27 de la loi du 14 mars 2012 ». Précisément, la cour de cassation constate une réglementation fluctuante en matière d’alcool pur acquis par les pharmaciens d’officine et rappelle que c’est la loi la plus favorable au prévenu qui doit être appliquée « lorsque, postérieurement à une infraction commise sous l’empire d’une première loi, est entrée en vigueur une deuxième loi d’incrimination moins sévère qui est ensuite remplacée par une troisième disposition plus sévère ». C’est donc la loi la moins sévère de mars 2012 qui doit ici être appliquée. La cour d’appel de Lyon a donc souligné qu’il convenait, « en application de cette jurisprudence, de réformer le jugement déféré ». Les deux pharmaciens sont relaxés. En revanche, la cour d’appel a déclaré irrecevable les demandes concernant la caution bancaire et les frais afférents de Denis Charrière et les demandes au titre des frais exposés des deux titulaires. Mais comme le souligne Jean-Michel Seitz, « ce n’est pas l’essentiel de notre dossier ». Une issue favorable qui prouve, à ses yeux qu’il ne faut « jamais baisser les bras » et qui le pousse « à remercier les confrères qui sont allés jusqu’à la cour de cassation pour faire arrêter ces procédures ».
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