En 2005, le centre commercial Auchan de Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire) sollicite plusieurs officines à proximité pour que l’une d’elles s’installe dans sa galerie. Élisabeth Barichard, installée depuis 20 ans dans la commune, souffre de l’exiguïté de ses locaux et sait que des projets d’aménagement de la municipalité pourraient toucher son commerce. Elle prend la balle au bond et obtient, en octobre de la même année, l’autorisation de transférer son officine dans la galerie commerciale. Elle quintuple la surface de sa pharmacie.
Mais l’autorisation préfectorale est contrée à la fois par l’Ordre des pharmaciens et par un collectif de pharmaciens du secteur. Ils étaient sept à s’élever contre la décision en 2005. Dix ans plus tard, ils sont encore cinq : deux sont installés à Saint-Cyr-sur-Loire, les trois autres à La Membrolle-sur-Choisille, Mettray et Rouziers-de-Touraine. Leur argumentation n’a pas changé. Pour eux, l’implantation d’une pharmacie dans cette galerie commerciale ne répond à aucun objectif de santé publique, mais à des considérations économiques. Rappelant les fondamentaux de la loi de répartition des officines et l’importance du maillage territorial, ils insistent sur le fait que le centre commercial est implanté dans une zone industrielle et artisanale, sans population résidente et que des pharmacies existantes couvrent les limites administratives du quartier.
Quatrième licence
C’est ainsi que l’autorisation préfectorale d’octobre 2005 est annulée par le tribunal administratif d’Orléans en juillet 2007, mais cette décision est elle-même infirmée par la cour d’appel de Nantes en décembre 2007, jusqu’à ce que le Conseil d’État s’en mêle et annule à nouveau l’autorisation de transfert en octobre 2009. L’histoire aurait pu s’arrêter là.
C’était sans compter sur l’acharnement d’Élisabeth Barichard, dont le transfert est opérationnel depuis 2006 et qui se retrouve alors avec une officine qui n’est plus autorisée à vendre de médicaments. La titulaire obtient une nouvelle autorisation de transfert et une nouvelle licence de la part du préfet en octobre 2009, annulées en juin 2011 par le tribunal administratif d’Orléans et dont la décision est confirmée en appel. Le recours devant le Conseil d’État est rejeté. Élisabeth Barichard obtient une troisième licence auprès de l’agence régionale de santé (ARS) en septembre 2011, annulée par le tribunal administratif d’Orléans en juin 2013. Cette fois, l’ARS refuse de lui octroyer une quatrième licence ; elle dépose donc un recours auprès du ministère de la Santé en décembre 2013 et obtient une réponse favorable. L’ARS lui délivre une quatrième licence, et son autorisation de transfert est confirmée par un arrêté ministériel en date du 3 avril 2014. Cette décision est fondée sur les projets d’implantation de la municipalité, d’ici à deux ans, de 700 logements dans la zone de chalandise de la pharmacie.
Bande des cinq
Ce qui fait bondir le porte-parole du collectif de pharmaciens, qui souligne que ce serait « contraire à la jurisprudence qui impose qu’on fonde une autorisation sur le nombre de permis de construire déjà accordés ou en cours, ce n’est pas le cas en l’espèce et je doute fort qu’il y ait 1 500 habitants de plus d’ici à 2020 », souligne Michel Bignand. Ce dernier ne compte pas baisser les bras et s’appuie sur les règles d’installation des pharmaciens en France. Et de préciser : « Mme Barichard pourrait très bien s’installer dans d’autres quartiers de Saint-Cyr où il y a de place et où ça rendrait vraiment service à la population. »
Mais le collectif se retrouve de plus en plus isolé. L’histoire de cette pharmacienne, qui a même mené une grève de la faim pendant 46 jours en 2013 jusqu’à ce qu’elle soit hospitalisée, a ému la population qui a créé une association regroupant 1 200 personnes pour sa défense et a réuni 4 500 signatures sur une pétition pour le maintien de la pharmacie.
Du côté des confrères aussi, la solidarité a joué puisqu’un collectif de 108 officinaux (sur les 202 du département) la soutient. Trois autres pharmaciens de Saint-Cyr-sur-Loire ont quant à eux indiqué qu’ils se désolidarisaient de cette polémique et ne faisaient « pas partie de la bande des cinq ». La municipalité a également apporté son soutien, réaffirmant le projet d’implantation à venir à proximité du centre commercial et confirmant le projet de réaménagement dans le secteur de l’ancienne pharmacie de Mme Barichard, dont le bâtiment a été préempté. L’association pour le maintien de la pharmacie Barichard milite pour une actualisation des règles d’installation (et de transfert) « en fonction des évolutions sociétales et des attentes des consommateurs ». Car ces derniers plébiscitent l’amplitude horaire de la pharmacie et la facilité de stationnement pour s’y rendre. La décision très attendue de la cour d’appel ne ferme pas la possibilité à d’autres recours.
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