Pour les pharmaciens allemands, tout dépendra des rapports de force au sein de la coalition qui sortira du scrutin, et de la répartition des postes dans le nouveau cabinet et au parlement. Le parti d’Angela Merkel, la CDU, et son allié bavarois la CSU, se sont toujours positionnés contre la suppression du prix unique. Quelques semaines après l’arrêt européen, le ministre de la Santé, Hermann Grohe (CDU), a préparé un projet de loi pour interdire toute remise sur les prescriptions, mêmes vendues depuis l’étranger, afin de couper l’herbe sous le pied des pharmacies virtuelles. Toutefois, le parti social-démocrate (SPD), partenaire de la CDU dans la coalition gouvernementale, a refusé de soutenir ce projet qu’il juge excessif : pour des raisons d’équilibre politique, il n’a donc jamais pu être adopté.
Dans dix jours, un faible score du SPD, d’ailleurs vraisemblable, pourrait renforcer la CDU et, par ricochet, faciliter l’adoption de ce projet de loi, qui reste au programme d’Angela Merkel. En revanche, un trop mauvais résultat du SPD, obligeant la CDU/CSU à trouver d’autres partenaires, ne ferait pas forcément l’affaire des pharmaciens : le parti libéral FDP, qui a actuellement le vent en poupe, plaide pour une libéralisation totale du secteur pharmaceutique, y compris avec la fin du monopole et la création de chaînes. Ce parti, il y a quelques années encore si proche des officinaux qu’on l’avait surnommé « le parti des pharmaciens », joue aujourd’hui la carte d’un libéralisme effréné. Les Verts, eux non plus, ne souhaitent pas interdire totalement les rabais sur les prescriptions, si bien que, en dehors de la CDU/CSU, les seuls soutiens des pharmaciens sont deux formations n’ayant aucune chance de participer au gouvernement, la gauche radicale « die Linke », et les populistes de droite de l’AFD. Ces deux partis défendent tous deux « les citoyens contre les grands groupes économiques » et, dans ce cadre, privilégient « les pharmacies locales sur le terrain ».
Radar électoral
En attendant, les pharmaciens multiplient les actions pour se faire entendre et peser sur le scrutin. Leur association professionnelle, l’ABDA, a créé un site et une application ouverts à tous les citoyens, le « radar électoral », qui, circonscription par circonscription, interroge tous les candidats sur leurs projets dans le domaine de la santé. Par ailleurs, quelques pharmaciens sont candidats à travers le pays, et certains ont placé l’affaire des ristournes dans leur programme. À Leverkusen, un pharmacien membre de l’AFD, déjà élu régional, se présente aux législatives dans le but principal de nuire au député local, Karl Lauterbach, médecin SPD à l’origine du refus de son parti de soutenir l’interdiction des ristournes. Cet officinal a peu de chance d’être élu, mais espère priver M. Lauterbach des voix dont il aura besoin pour être réélu face à son adversaire de la CDU. Dans la ville mère des Laboratoires Bayer, un parfum de vengeance flotte ainsi contre l’une des personnalités les plus influentes de la politique de santé allemande…
Mais la question des remises et, plus globalement, du monopole, n’agite pas que les partis politiques. Cet été, le président de l’Union des caisses d’assurance maladie publiques, l’équivalent de nos caisses primaires, est monté au créneau pour réclamer non seulement une généralisation des ventes de prescriptions par correspondance et des ristournes, mais aussi un démantèlement du monopole et l’autorisation des chaînes de pharmacies. Il souhaite que les caisses puissent signer des contrats avec des pharmacies virtuelles, qui approvisionneraient directement certains patients chroniques, et réclame une « accréditation » des pharmacies pour la délivrance exclusive de certains médicaments chers ou complexes, ainsi que des contrôles plus sévères des officines. Toutes ces mesures, selon lui, dégageraient des fortes économies, sans toucher à la qualité du réseau de pharmacies, qu’il juge par ailleurs trop cher et trop développé.
Attitude agressive
Ces revendications, qui en disent long sur les relations idylliques entre les caisses et les pharmaciens, ne sont pas nouvelles, mais leur ton est particulièrement vindicatif. Friedemann Schmidt, président de l’ABDA, déplore que les plus hauts responsables de l’assurance maladie soutiennent « des pharmacies virtuelles étrangères qui visent avant tout à déréguler le réseau ». Les responsables de l’Ordre et des principaux syndicats dénoncent, eux aussi, cette attitude agressive dont les patients seraient les premiers à faire les frais.
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