LE PHARMACIEN qui se présente ce lundi devant ses pairs de la chambre de discipline du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens n’est pas fier. Petit, la calvitie naissante, dents serrées et regard bas, il semble attendre que les coups pleuvent sur ses épaules. Et des coups, ses épaules en ont déjà reçu. Car cet homme-là a fait de la prison. Le bracelet électronique qu’il porte à la cheville témoigne d’une surveillance judiciaire encore active. Sa comparution en appel devant le Conseil national de l’Ordre devrait être le terme d’une procédure longue déjà de plus de 3 ans.
Tout a débuté le 1er avril 2011. Ce jour-là, M. X., pharmacien adjoint dans une petite commune du Nord, était condamné par le tribunal correctionnel de Cambrai à 8 mois de prison dont 2 avec sursis. Le motif de la condamnation ? Exhibition sexuelle avec récidive. Précisons d’emblée que les faits reprochés à M. X. ne se sont pas déroulés dans l’enceinte de l’officine où il exerce. Dans la semaine qui suit le jugement, la presse locale s’empare du fait divers et désigne, sans les nommer toutefois, l’adjoint condamné et la pharmacie où il travaille.
La presse locale à l’origine de la plainte.
Dans la petite ville d’à peine 20 000 âmes, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Et très vite, Mme P., la pharmacienne employeur de M. X. découvre la nature des faits reprochés à son adjoint et s’en émeut. Estimant que le comportement de son employé est de nature à déconsidérer la profession, elle décide de le mettre à pied, puis de le licencier. Dans le même temps, la titulaire dépose une première plainte auprès de la section D (adjoints) du Conseil régional de l’Ordre du Nord Pas-de-Calais. Mais, six mois plus tard, elle se désiste de cette plainte. L’adjoint porte alors aux prud’hommes son licenciement. La titulaire dépose une seconde plainte, qui sera suivie d’une sanction disciplinaire, signifiée à M. X. le 22 octobre 2012 par la section D régionale, d’un an d’interdiction d’exercice dont 6 mois avec sursis. C’est parce qu’il souhaite faire appel de cette décision que M. X. comparait aujourd’hui à Paris.
Recevabilité de la plainte.
La recevabilité de la seconde plainte de Mme P. est aujourd’hui au cœur de la défense de M. X.. Me Vallez, son avocate, s’étonne : « Il est tout de même frappant de constater que la seconde plainte, sur des motifs similaires, est intervenue juste après que mon client a attaqué aux prud’hommes son employeur. » À coups de décisions de jurisprudence (contradictoires), l’avocat de la défense et celui de la plaignante ferraillent alors plusieurs minutes sur la validité de cette seconde plainte. En vain, car aucun des deux ne convainc vraiment. Très vite, et bien au-delà de cette bataille de procédure, une autre question occupe le débat : M. X. doit-il être condamné sur le plan professionnel pour une faute commise dans le cadre de la vie privée, et pour laquelle en outre, il a déjà été puni ? « M. X. a été condamné pour une infraction pénale, or il répond devant vous pour faute disciplinaire », tient ainsi à souligner Me Vallez, qui rappelle au passage que le pharmacien a, aux dires de ses collègues et employeurs, toujours donné satisfaction. « Le sanctionner aujourd’hui, cela reviendrait à le condamner deux fois au pénal », résume la défense de l’adjoint. « M. X. vit seul avec sa mère, il doit travailler. Votre sanction le mettrait dans une situation très difficile », conclut-elle.
« M. X. se dit victime de tout le monde. De son employeur, de l’Ordre, et même de son premier avocat, qu’il a récusé », attaque Me Bighinatti, qui assure la défense de la plaignante. « La défense de M. X. insiste sur le fait que cela ne s’est pas passé dans l’exercice de sa profession. Mais le serment de Galien ne précise-t-il pas qu’en toutes circonstances il convient de "respecter les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement" » ? À cause de la mauvaise publicité faite à son officine, Mme P. déplore en outre une perte significative de chiffre d’affaires liée au scandale, fait aussi valoir son avocat. Se voulant plus dérangeante encore, la défense de Mme P. donne le coup de grâce : « À en croire certains témoignages de ses patientes et collègues, le comportement équivoque de M. X. se serait également manifesté à l’intérieur de l’officine. »
Confession.
C’est un homme accablé, mais encore combatif qui prend la parole pour un dernier plaidoyer. Le phrasé, visiblement haché par l’émotion, est rendu encore plus difficile par un zozotement marqué. « La presse de trottoir n’a pas vocation à informer, elle a vocation à salir les gens, à me salir moi, et à travers moi, à salir la profession ! Sachez que le tribunal a demandé que je me fasse soigner. Ce travail est en cours. Et j’ai enfin trouvé le psychologue qui a su m’écouter. À qui j’ai pu parler de mon viol lorsque j’étais enfant. De tous ces secrets que pas même à ma mère je n’ai pu révéler. Je suis désormais serein. J’ai confiance dans l’église. Dans la prière, j’ai trouvé beaucoup de réponses. »
Le silence qui suit cette curieuse confession ouvre le temps de la délibération. Quinze minutes plus tard le verdict tombe : la décision d’interdiction prononcée en première instance est annulée au motif de l’irrecevabilité de la plainte. Mme P. a deux mois pour un éventuel pourvoi en Conseil d’État.
Relocalisation industrielle
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Auvergne-Rhône-Alpes
Expérimentation sur les entretiens vaccination
Excédés par les vols et la fraude à l’ordonnance
Des pharmaciens marseillais créent un groupe d’entraide sur WhatsApp