- Je peux vous parler Karine ?, demande Kenza alors que la titulaire range son bureau.
- Oui, bien sûr. Je viens de déposer une annonce pour accueillir un stagiaire de seconde en juin. Ils ont raison au syndicat de nous motiver à proposer des stages. Je ne comprends pas ces pharmaciens qui se plaignent de ne trouver personne à recruter mais qui ne font rien pour permettre aux jeunes générations de découvrir le métier. Bref…
Elle observe soudain Kenza et remarque son inhabituel mutisme :
- Qu’est-ce qui ne va pas Kenza ? Vous avez un visage tout triste… Où est notre Kenza drôle et enjouée ?
Assise dans son fauteuil roulant, la jeune pharmacienne sort une enveloppe et la tend à Karine.
- Je vous ai toujours dit que j’avais démissionné de la pharmacie Pinson parce que je voulais découvrir d’autres façons d’exercer.
- Oui. Et aussi que vous n’aviez pas la même vision du métier.
- Justement, je ne vous ai pas tout dit.
Kenza prend une grande inspiration puis reprend son récit :
- En réalité, j’ai été victime de harcèlement. Des SMS à toute heure, des réflexions désobligeantes comme quoi j’étais une incapable, une handicapée des jambes et du cerveau… Je me suis vite rendu compte de l’urgence à stopper net cette relation toxique. Rien ne me retenait : pas d’emprunts, pas d’enfants à nourrir. Je suis donc partie, laissant tout ça derrière moi…
- Mais ?
- Mais le passé nous rattrape tout le temps. Mes collègues sont restées chez les Pinson. Avec le temps, elles se sont convaincues que les brimades du couple Pinson, surtout de Madame Pinson, n’avaient plus de prises sur elles. J’ai toujours pensé qu’elles avaient tort. J’avais malheureusement raison. Il y a deux semaines, Isabelle, une des préparatrices, a fait une tentative de suicide. Elle a laissé une lettre dans laquelle elle décrit tout ce qu’elle vit au quotidien depuis dix ans, tout ce qu’elle garde pour elle parce qu’elle a honte de se sentir aussi faible, parce qu’elle se sent minable. Heureusement, elle n’est pas morte, et heureusement, sa sœur a trouvé la lettre. Ce témoignage à charge a mis le feu aux poudres : Isabelle a déposé plainte contre les Pinson. Traumatisées, ses collègues ont décidé de briser le silence. Pour donner plus de force à leur action, elles me demandent de témoigner.
Karine se tait. Elle est abasourdie par le récit.
- Je voulais vous prévenir Karine, que je vais lancer moi aussi une procédure pour harcèlement contre les Pinson. Je ne veux pas que cela éclabousse la pharmacie du Marché, ni même la profession d’ailleurs. Je sais que les Pinson sont très influents. Mais j’ai tourné le problème dans tous les sens. Je dois être honnête avec moi-même, avec mes convictions. Par leurs agissements, les Pinson déshonorent le métier. Sans parler des magouilles qu’ils font pour extorquer la sécu et leurs patients…
- Vous avez tout à fait raison Kenza. Vous êtes une excellente pharmacienne et vous avez à cœur d’exercer votre profession. Vous êtes un modèle de résilience et de sincérité. Les Pinson ne m’ont jamais inspiré confiance et s’ils salissent la profession, alors ils doivent s’expliquer.
- Je suis soulagée que vous réagissiez comme cela.
- Comment allez-vous faire concrètement ?, demande la titulaire en servant une tasse de thé à sa consœur.
(à suivre...)
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