Invité en tant que grand témoin aux 12es Rencontres du G5 Santé, Lionel Collet, président de la HAS depuis avril dernier, a défendu avec vigueur « l’une des sept autorités indépendantes en France et la seule en santé », dont les missions se sont régulièrement étoffées au cours de ses 19 années d’existence. À la question posée par le président du G5 Santé, Didier Véron, de savoir si la HAS est vraiment indépendante, la réponse fuse. « Oui ! » Et de rappeler ses trois valeurs socles : indépendance, rigueur scientifique et transparence. Une rigueur scientifique qui n’est pas étrangère au reproche essuyé régulièrement par la HAS quant à sa lenteur.
Lors de sa conférence de presse de rentrée, début octobre, Lionel Collet avait été pris à partie concernant les délais pour aboutir à de nouvelles recommandations considérées comme urgentes. Par exemple concernant la vaccination contre les méningites à méningocoques face à l’augmentation des sérotypes Y et W, sur laquelle la HAS pense se prononcer au 3e trimestre 2024. Ou encore concernant la vaccination contre le VRS chez la femme enceinte et chez les adultes de 60 ans et plus, deux recommandations attendues respectivement en mai et octobre 2024. Trop tard, d’après une tribune signée par plusieurs dizaines de médecins parue dans « Le Parisien » le 25 septembre dernier. « Ces vaccins ont leur AMM et sont disponibles en France, rappelle Lionel Collet. L’enjeu majeur de la recommandation de la HAS est leur prise en charge. Or, la rigueur scientifique de nos recommandations prend du temps. Je veux moi aussi que la HAS délivre davantage de recommandations et plus rapidement, mais sans déroger à la qualité scientifique, qui plus est lorsque la recommandation en question va toucher des personnes particulièrement fragiles. »
Succès de l’accès précoce
Au G5 Santé aussi, la réclamation pour raccourcir les délais, en particulier ceux de mise sur le marché des médicaments, est forte. Sur ce point, Lionel Collet oppose à la perception des délais, la réalité des chiffres. « Pour les médicaments de droit commun, le délai entre l’obtention de l’AMM et l’évaluation de la HAS est de 187 jours. À comparer avec les délais des pays voisins : 221 jours en Allemagne, 241 jours en Espagne, 358 jours au Royaume-Uni. La HAS est à la pointe de ces délais dans l’Union européenne. » De même, concernant les médicaments en accès précoce, l’avis de la HAS doit intervenir dans les trois mois selon les dispositions réglementaires. « La médiane est de 78 jours. Et tous médicaments confondus, elle est de 87 jours. » De plus, rappelle Lionel Collet, « 85 % des médicaments innovants sont disponibles avant l’avis de la HAS grâce à l’accès précoce ».
Un dispositif applaudi par Anne-Pierre Pickaert, patiente experte, qui cite une étude intitulée « Patient WAIT ». Menée par la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA), celle-ci montre que l’accès à un médicament de droit commun après AMM est en moyenne de 497 jours en France, la plaçant en 18e position sur 39 pays. Mais en y intégrant le dispositif d’accès précoce, la France remonte à la 3e place à 240 jours. « Pour le patient, que le médicament soit dans un remboursement de droit commun ou en accès précoce lui importe peu dès lors qu’il y a accès. »
Nouveau ou innovant
Autre sujet de friction : pourquoi 20 % des médicaments ayant obtenu une AMM européenne ne sont pas disponibles sur le marché français ? Un reproche là encore récurrent qui a poussé Lionel Collet à se pencher en détail sur les médicaments concernés. Résultat : un tiers est en négociation de prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), un tiers n'a pas fait l'objet d’une demande auprès de la HAS (choix de l’industriel) et un tiers a reçu un SMR insuffisant. « Ce n’est pas parce que l’évaluation du bénéfice-risque absolu par l’Agence européenne du médicament (EMA) permet d’obtenir l’AMM que l’évaluation du bénéfice relatif par la HAS, c’est-à-dire la place du produit dans la stratégie thérapeutique, est forcément positive. »
Une position soutenue par Anne-Pierre Pickaert. « Tout ce qui est nouveau n’est pas forcément innovant. Les patients ne veulent pas accéder à tout ce qui est approuvé par l’EMA mais aux médicaments qui ont une bonne efficacité relative. En onco-hématologie, il est rare que des médicaments obtiennent un SMR faible. Et quand cela arrive, ce sont des médicaments dont nous, patients, ne voulons pas. »
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