Le Quotidien du pharmacien.- Les résultats d’une étude, communiqués le 20 décembre, montrent qu’un rappel à dose pleine de Spikevax est plus efficace contre le variant Omicron qu’une demi-dose. Envisagez-vous de passer à un rappel à dose pleine ?
Sandra Fournier.- Il faut rappeler que le variant Omicron a été découvert fin novembre. Moderna s’est montré très réactif et a développé une stratégie sur trois piliers. Le premier consiste à tester notre booster contre Omicron, tel qu’il a été évalué par l’Agence européenne du médicament (EMA), donc dosé à 50 microgrammes, mais aussi à 100 microgrammes, soit la dose utilisée pour la 1re et la 2e injection. Le deuxième repose sur l’évaluation de deux candidats boosters multivalents : l’un combine la source ancestrale et le variant Bêta et l’autre combine Bêta et Delta. Le troisième pilier est de proposer un candidat vaccin adapté à Omicron.
Les premières données de fin décembre répondent au premier pilier de notre stratégie. Quand on regarde le taux d’anticorps neutralisants qui reste à l’issue de la 2e dose et qu’on administre notre booster, au bout de 29 jours on augmente de 37 fois le taux d’anticorps neutralisants ; quand on administre la dose de 100 microgrammes, ce taux est multiplié par 83. Nous travaillons de manière étroite avec les autorités de santé et les pouvoirs publics, nous leur fournissons les données, c’est ensuite à eux de décider si le rappel doit se faire avec une dose de 50 ou de 100 microgrammes. Notre vaccin étant celui qui, après la 2e dose, offre la meilleure protection, partir d’un taux plus haut et le multiplier par 37 permet déjà d’acquérir une bonne protection contre Omicron.
Le développement d’un rappel spécifique au variant Omicron a été annoncé par Stéphane Bancel, le P-DG de Moderna, dès le 26 novembre. Où en est-on aujourd’hui ?
C’est une preuve de l’agilité des équipes de Moderna. Nous continuons à faire avancer rapidement notre candidat vaccin spécifique au variant Omicron vers des essais cliniques qui vont débuter courant janvier.
L’AMM européenne du vaccin Moderna a été étendue aux enfants dès 12 ans en juillet dernier. Mais en novembre, la France a recommandé son utilisation à partir de 30 ans en raison d’un risque faible de myocardite chez les jeunes. Que sait-on aujourd’hui ?
Cette décision faisait suite à une alerte émanant des pays scandinaves. Depuis on a colligé beaucoup de données. L’EMA a confirmé qu’il s’agissait d’un effet indésirable rare, avec un taux légèrement plus élevé avec le vaccin Moderna. Elle a déterminé que les myocardites apparaissaient chez les hommes de 18 à 30 ans, étaient des cas bénins et avaient une issue favorable dans un délai d’une semaine. L’analyse de nos bases de données montre une incidence de 7,4 pour 100 000 hommes de 18 et 24 ans vaccinés avec Moderna. Ce sont des cas bénins, sans aucune comparaison avec les myocardites aiguës provoquées par le SARS-CoV-2 en l’absence de vaccination.
La confiance a été ébranlée lors de la suspension du rappel avec Moderna en France, qui se faisait à dose pleine, avant une reprise 10 jours plus tard à demi-dose après l’octroi de l’AMM par l’EMA. Comment restaurer cette confiance ?
Je crois que la méfiance a commencé avec le terme ARN messager appliqué aux vaccins. C’est notre rôle à tous de rassurer, d’expliquer que l’ARNm n’est jamais en contact avec notre ADN et qu’il ne peut pas modifier notre patrimoine génétique. Je comprends les inquiétudes à l’égard de cette nouvelle technologie, mais je pense que les Français les ont vite levées au regard des études menées, de la vaccination à l’échelle mondiale (370 millions de doses administrées et plus de 150 millions de personnes vaccinées avec Moderna) et des preuves de grande efficacité avec un profil de sécurité favorable. Aujourd’hui, 90 % de la population française éligible est vaccinée dont 90 % avec un vaccin à ARNm ! Le vaccin Moderna permet de bien protéger contre les infections (93,2 %), contre les hospitalisations et les cas sévères (98,2 %), et contre les risques de décès (100 %). Ce sont les données de notre essai de phase 3 avec un suivi à 6 mois après la 2e dose et cette efficacité est confirmée en vie réelle.
Les autorités scientifiques françaises soulignent que le vaccin Moderna semble être légèrement plus efficace et ont recommandé le rappel avec Moderna avant même l’AMM européenne, à 100 microgrammes puisque c’est la dose qui était disponible à ce moment-là. Puis l’EMA a délivré une AMM au rappel à 50 microgrammes parce que c’est une dose suffisante pour créer l’effet boost recherché. Je comprends que cela ait pu faire peur mais expliquer permet de désamorcer les craintes.
Enfin, j’ajoute que les résultats de l’essai « COV-Boost » parus dans « The Lancet » début décembre montrent que l’immunité acqui-se avec notre vaccin en dose de rappel offre une protection efficace quelle que soit la primo-vaccination reçue. L’EMA recommande d’ailleurs une stratégie de vaccination hétérologue.
Quelles sont vos capacités de production pour le vaccin Spikevax ?
Lorsque Moderna s’est retrouvé sur le devant de la scène internationale au début de la pandémie, ça n’était encore qu’une start-up prometteuse de 800 employés qui travaillaient depuis une dizaine d’années sur la technologie de l’ARN messager. Dès lors que le virus a été séquencé, on a réussi en 42 jours à mettre à disposition le premier lot de candidats-vaccins pour les essais cliniques. Parallèlement nous avons investi massivement pour mettre en place nos capacités de production, jusque-là inexistantes, et nous continuons à le faire. En 2021, nous sommes parvenus à livrer 800 millions de doses et notre objectif pour 2022 se situe entre 1,5 et 2,5 milliards de doses. Nous poursuivons nos efforts, ce qui nous permet d’être un partenaire extrêmement présent dans la campagne de rappel.
Moderna a également annoncé travailler sur un vaccin trois en un contre le Covid-19, la grippe et le virus syncytial (VRS). Où en sont les recherches ?
Début décembre nous avons communiqué les premiers résultats de phase 1 très encourageants de notre vaccin quadrivalent contre la grippe saisonnière. Nous avons débuté la phase 2 et nous recrutons pour la phase 3. Notre vaccin contre le VRS, qui est à l’origine de l’épidémie de bronchiolite chez les nourrissons, est dans la même configuration : résultats positifs de phase 1, début de phase 2 et recrutement pour la phase 3. Notre but est de combiner ces 2 vaccins avec celui contre le Covid en un seul pour avoir, d’ici 18 mois, un vaccin de rappel que nous adapterons chaque année permettant une injection au lieu de trois, ce qui serait bénéfique pour le patient, pour le vaccinateur et en termes de coût pour les pouvoirs publics.
Quelles sont les autres aires thérapeutiques ciblées par Moderna ?
Nous avons 37 candidats-vaccins dans notre portefeuille, notamment contre des maladies latentes, dont un qui a débuté sa phase 3 dans le cytomégalovirus, un virus extrêmement dangereux chez la femme enceinte, il est la première cause de malformation congénitale du nouveau-né. Un autre candidat-vaccin vise le virus d’Epstein-Barr qui est responsable de la mononucléose, qui a une incidence dans de nombreux cancers et qui pourrait avoir un lien avec le Covid long. Nous avons également deux candidats-vaccins contre le VIH. Et aussi des vaccins thérapeutiques dont 4 molécules en immuno-oncologie, deux autres en cardiologie et trois autres dans des maladies génétiques rares. Je pense que l’ARN messager va être une véritable révolution pour la science, les perspectives qu’il permet d’ouvrir sont extraordinaires.
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