Avec un potentiel d’économies pour la collectivité d’environ 600 millions d’euros, les biosimilaires restent pourtant sous-exploités en France. Et l’objectif fixé par la stratégie nationale de santé, à savoir un taux de pénétration de 80 % en 2022, est loin d’être atteint : un peu plus de 60 % à l’hôpital et tout juste 22 % en ville. Pour y remédier, les pouvoirs publics activent plusieurs leviers. D’abord la poursuite des incitations financières à l’hôpital dont les effets ont été positifs. Ensuite l’incitation financière des médecins à prescrire des biosimilaires pour six molécules – adalimumab, étanercept, énoxaparine, follitropine alpha, insuline asparte et tériparatide – qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Enfin la substitution biosimilaire par le pharmacien, consacrée par la LFSS 2022, qui pourra entrer en application dès que la liste des molécules substituables sera publiée au « Journal officiel » sous la forme d’un arrêté ministériel. Une publication qui ne devrait plus tarder, estime Danielle Roquier-Charles, pharmacienne formatrice.
Les travaux sur cette liste semblent en tout cas bien avancés. Depuis l’automne dernier, donc avant même le vote de la LFSS 2022, les représentants des pharmaciens indiquent qu’elle ne comptera que deux molécules, à savoir pegfilgrastim (Neulasta) et somatropine (Norditropine). « Ce ne sont peut-être pas les plus faciles à substituer mais au moins on a un pied dans la porte pour que la substitution puisse enfin se faire », remarque Stéphane Joly, président de l’association des fabricants de génériques et biosimilaires GEMME et du génériqueur Cristers. Car, rappelle-t-il, ce droit de substitution biosimilaire a été inscrit dans la LFSS 2014 mais n’a jamais été pratiqué faute de décrets d’application, avant d’être supprimé par la LFSS 2020. La conséquence, selon lui, des positions divergentes, en particulier parmi les laboratoires, entre ceux qui veulent miser sur la prescription par le médecin et ceux qui privilégient la substitution par le pharmacien. « Nous avons vécu la même chose il y a plus de 20 ans avec le générique, marché qui a finalement pu décoller grâce au droit de substitution générique du pharmacien », rappelle-t-il. Au GEMME d’ailleurs, favorable aussi à la substitution biosimilaire depuis fin 2019, le consensus a été difficile à obtenir et a finalement entraîné le départ de certains membres.
Pas de fanfaronnade !
Toujours est-il que la liste des molécules substituables pourrait être publiée rapidement et s’étoffer d’un principe actif supplémentaire. C’est en tout cas le sentiment de Denis Millet, président de la commission études et stratégie économiques à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) puisque « les syndicats ont été invités par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à donner leur avis sur le filgrastim (Neupogen) ». Par ailleurs, ajoute-t-il, dans le cadre de la convention pharmaceutique qui vient d’être signée, les représentants des officines sont tombés d’accord avec l’assurance-maladie pour « demander au ministère que la marge biosimilaire soit égale à la marge du médicament d’origine pour la liste des molécules substituables, ce qui semble être sur la bonne voie ». À quoi devra s’ajouter, insiste Renaud Nadjahi, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) des pharmaciens d’Île-de-France et vice-président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), « une rémunération pérenne pour l’accompagnement des patients ».
Mais côté groupements, le satisfecit est loin d’être acquis. Le retour du droit de substitution biosimilaire n’aurait jamais dû être limité à une liste de molécules, tempête Alain Grollaud, président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies FEDERGY. « Arrêtons de fanfaronner car, à ce stade, on n’a rien obtenu du tout. Les corporatismes de l’industrie pharmaceutique et des médecins se retournent contre le patient. Il faut que nous centrions notre attention sur l’accompagnement du patient et cela, les pharmaciens ont prouvé qu’ils savaient le faire pendant la crise Covid. Il faut arrêter de dire qu’on ne saurait pas le faire concernant des produits matures qui ont 10 ou 15 ans. Ce droit doit être élargi à tous les biosimilaires. » Une position partagée par Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) qui réclame « une substitution biosimilaire pleine et entière » pour que ce marché décolle enfin.
D'après une conférence du salon PharmagoraPlus.
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