TOUS LES PHARMACIENS ont été ou seront amenés à gérer un jour une situation délicate avec un client. Que ce soit dans le cadre d’une pathologie chronique ou d’une situation personnelle difficile, certains échanges méritent la plus grande discrétion, par respect pour le client mais aussi pour préserver le reste de la clientèle.
• Hygiène intime et IST
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le pharmacien est amené, au cours du conseil ou de la délivrance, à demander des détails a priori gênants sur les symptômes, et à utiliser des termes relatifs à l’appareil génital. Diverses affections gynécologiques (mycoses, infections urinaires) peuvent faire l’objet d’une demande de conseil à l’officine. Le pharmacien est également sollicité pour des problèmes d’incontinence urinaire.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? L’intimité du patient doit être respectée. Il faut limiter l’embarras que peut ressentir le client face aux questions du pharmacien, et lui permettre de répondre de façon précise afin d’orienter plus facilement le conseil ou d’expliquer les modalités d’utilisation d’un médicament (ovule, soin d’hygiène intime).
•Troubles de l’érection
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que les troubles de l’érection entraînent une altération de la sexualité et plus généralement de la qualité de vie. La dysfonction érectile est définie comme une incapacité persistante ou récurrente à obtenir ou maintenir une érection. Il est important de différencier les troubles occasionnels, qui concernent 47 % des hommes, des dysfonctions érectiles persistantes.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce que le patient sera plus à l’aise pour évoquer ce problème très personnel. S’il s’agit d’une plainte spontanée, le pharmacien peut évoquer les solutions existantes et oriente vers une consultation médicale. Il doit également s’inquiéter des facteurs de comorbidités (diabète, hypertension) et initier leur prise en charge si besoin. S’il s’agit d’une délivrance, il est important de s’assurer que le patient a compris les modalités de prise des médicaments pour garantir leur efficacité.
•Infertilité
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le fait de rencontrer des difficultés pour avoir un enfant est une souffrance.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Pour discuter du traitement avec la patiente et s’assurer qu’elle comprend les modalités d’utilisation (sachant que les protocoles initiés sont généralement bien expliqués par l’équipe médicale hospitalière). La prise en charge médicale fait appel à des traitements très spécifiques. Le fait que ces traitements soient longs et répétitifs favorise à terme le dialogue entre la patiente et le pharmacien.
• Cancer
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le cancer est une épreuve difficile à vivre pour le patient. Ce dernier trouve à l’officine (d’autant plus s’il s’agit d’un client de longue date) une écoute et une disponibilité.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce que l’entretien peut prendre du temps et que ce temps consacré à un patient n’est pas toujours compris par le reste de la clientèle. Le pharmacien prend le relais de la prise en charge hospitalière, au moment difficile où le patient se retrouve seul avec sa maladie, à son domicile. Le pharmacien doit rassurer le patient sur le traitement, détecter d’éventuels effets secondaires, répondre à ses inquiétudes sur cette nouvelle vie.
Pour aider les professionnels de santé, l’INCA et la HAS ont élaboré des documents à l’attention des patients, qui constituent des supports de dialogue.
Le pharmacien tient également un rôle clé dans la prévention et le dépistage ; certains départements ont choisi les pharmacies pour distribuer les tests de dépistage du cancer colorectal. Les explications pour comprendre l’importance et les modalités d’utilisation de ces tests sont difficilement envisageables au comptoir.
• Sida
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que l’infection par le VIH est encore considérée comme une maladie taboue, et que de nombreux patients, craignant des conséquences sociales et professionnelles, préfèrent garder le secret sur leur état de santé.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce que contrairement à d’autres maladies chroniques, la plupart des patients séropositifs souhaitent garder la plus grande discrétion sur leur maladie, et ne l’ont révélé qu’à peu de monde autour d’eux. Le pharmacien doit respecter cela, tout en garantissant le bon usage des médicaments. Il doit notamment détecter d’éventuels effets secondaires risquant de compromettre l’observance du traitement. La sortie des médicaments antirétroviraux de la réserve hospitalière a simplifié la vie de nombreux patients VIH. Ces nouvelles modalités de délivrance ont cependant bousculé la prise en charge de cette pathologie. Le pharmacien poursuit le travail initié à l’hôpital et constitue un des principaux interlocuteurs du patient.
•Deuil
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le pharmacien n’est pas formé pour parler de la mort. Il y est cependant confronté tout au long de son exercice.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce qu’évoquer une personne disparue récemment peut induire des manifestations physiques (des pleurs) et un besoin de se confier.
• Sevrage alcoolique
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que l’alcoolisme est une maladie qui isole le malade et détruit les relations sociales, familiales et professionnelles.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce que la délivrance d’un médicament indiqué dans le sevrage alcoolique peut amener à discuter de cette pathologie incomprise. Le pharmacien accompagne le patient dans sa démarche de ne plus consommer d’alcool. Il est également présent pour les proches, le conjoint en particulier, qui souffrent de cette situation.
•Sevrage aux opiacés
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que l’apparence physique de certains toxicomanes est susceptible de créer une certaine méfiance (représentation négative du toxicomane) parmi les autres personnes présentes dans l’officine (voir aussi notre entretien avec Jean Lamarche en page XX).
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce que la délivrance des traitements de substitution doit répondre à des règles strictes (délivrance de stupéfiants), pouvant éveiller la curiosité des autres clients. Le fait de respecter cette confidentialité contribue à installer une confiance réciproque entre le pharmacien et le patient.
•Confidences personnelles sur la vie de couple
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le client aborde spontanément des problèmes d’ordre personnel, sur son couple et sur sa vie privée parfois difficile à entendre (maltraitance).
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Parce qu’en tant que professionnel de santé, le pharmacien doit s’assurer que la santé du client n’est pas en danger. Si nécessaire, le pharmacien oriente le client vers une consultation médicale.
• Argent
Pourquoi est-ce une situation délicate ? Parce que le client en difficulté financière demande de faire crédit. De nombreux pharmaciens se retrouvent cependant avec des sommes impayées. Le pharmacien peut également être confronté à la mauvaise foi du client, affirmant qu’il a déjà réglé le crédit.
Pourquoi est-il préférable de se mettre à l’écart ? Le fait d’aborder un problème d’impayés avec un client nécessite de la diplomatie mais également une certaine fermeté. Cette conversation n’est pas envisageable dans l’espace client et le pharmacien peut inviter le client à discuter des modalités de règlement dans son bureau. Dans ce cas, il est recommandé que le pharmacien soit accompagné d’une autre personne (son adjoint par exemple) afin de limiter tout débordement.
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