Depuis la parution de la liste des tests sérologiques homologués par le Centre national de référence (CNR), les pharmaciens désireux de proposer des TROD Covid-19 à leurs patients n'attendent plus qu'une chose : la publication de l'arrêté les autorisant à les réaliser. Un texte qui se fait plus que désirer au grand dam des représentants de la profession.
« C'est une situation ubuesque. Les tests validés sont connus, la Haute Autorité de santé (HAS) est favorable à l'idée que les pharmaciens proposent des TROD Covid-19… il ne manque plus que l'arrêté qui nous autorisera à le faire et nous n'avons aucune idée de quand il sortira », déplore Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP). Comme le précise l'institution ordinale, qui a récemment communiqué sur ce point, pratiquer un TROD Covid-19 en officine est tout simplement illégal à l'heure actuelle. Ainsi, tout pharmacien qui enfreindrait cette règle s'exposerait à des sanctions disciplinaires, voire à des poursuites pénales.
Un cadre légal que certains groupements et titulaires ont malgré tout décider d'ignorer. Lassés par la lenteur de l'administration et soucieux de répondre à la demande de certains de leurs patients, des officinaux ont en effet commencé à réaliser des TROD Covid-19 dès la semaine passée. Ces initiatives ont même fait l'objet de quelques reportages télévisés suscitant émoi et incompréhension au sein de la profession. « Cela a créé bien sûr de la confusion et ce n'est pas franchement ce dont les pharmaciens avaient besoin en ce moment, regrette Carine Wolf-Thal. Des patients qui ont envie de savoir s'ils ont été infectés mettent un peu la pression au comptoir. On a vu aussi des collectivités territoriales annoncer qu'elles en avaient commandé, des entreprises dire qu'elles en proposaient à leurs salariés, il est difficile de s'y retrouver. Mais n'oublions pas que sur le plan sanitaire à proprement parler, il n'y a pas d'urgence vitale à proposer des TROD au grand public. Ce qui est urgent en revanche, c'est de clarifier la situation », précise la présidente du CNOP.
Prescription médicale obligatoire ?
En l'absence d'arrêté indiquant dans quelles conditions précises le pharmacien pourra ou non réaliser un TROD Covid-19, deux questions essentielles restent pour l'heure sans réponse. Une prescription médicale sera-t-elle obligatoire pour venir se faire tester en pharmacie ? Et quelles catégories de patients pourront avoir droit au remboursement ? Deux points sujets à discussion et qui expliquent peut-être en partie pourquoi la publication de l'arrêté se fait attendre. « Il y a sans doute un frein économique car la prise en charge de certaines catégories de la population pose encore question, confirme Carine Wolf-Thal. Peut-être aussi la peur que les tests sérologiques ne détournent les gens des tests virologiques (PCR), qui restent le test de référence. On peut également se demander si cela n'est pas lié à leur disponibilité, il n'est en effet pas certain que l'on en détienne en nombre suffisant », s'interroge-t-elle. Président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), Gilles Bonnefond estime qu'une autre raison empêche pour l'instant la situation d'évoluer. « Il y a un véritable lobbying des biologistes médicaux pour exclure les pharmaciens de la pratique des TROD Covid. Ils mènent un combat qui est totalement inapproprié, déplore-t-il. Pour les Français, il est maintenant naturel de venir se faire dépister en pharmacie. Il s'agit désormais de mettre en place une véritable stratégie de santé publique pour que nous puissions contribuer à mesurer l'immunité collective de la population. Pas besoin de prescription médicale, le pharmacien saura parfaitement déterminer si un patient a besoin ou non d'un TROD. Notre profession a montré qu'elle savait être responsable, comme on l'a vu au sujet du Plaquénil ou par rapport au Doliprane », tient-il à rappeler.
TROD non, autotest oui ?
Dans ce dossier hautement complexe, un autre point contribue à semer le doute. Si faire un TROD en officine est donc illégal à l'heure actuelle, la vente d'autotests au comptoir n'est pour l'instant proscrite par aucun texte. Une situation étonnante qui ne manque pas de questionner. Les autorités sanitaires insistent en effet sur les risques qu'il y a à laisser un patient interpréter les résultats d'un test sans l'expertise d'un professionnel de santé. « À l’incertitude sur la fiabilité (des autotests), s’ajoute une difficulté d’utilisation, observait la Haute Autorité de santé (HAS) dans son communiqué du 18 mai. Si la réalisation du prélèvement est simple (le patient le réalise seul, à domicile, en se piquant le bout du doigt), il n’en est pas de même pour la lecture et l’interprétation du résultat. Sans accompagnement, le patient prend le risque de tirer des conclusions erronées de ce test. »
Compte tenu de cet avis, difficile de comprendre pourquoi un officinal pourrait vendre des autotests et non pratiquer un TROD. « Aujourd'hui, faire un TROD Covid-19 en officine relève tout simplement de l'exercice illégal du métier de biologiste, donc on recommande bien sûr aux pharmaciens de ne pas le faire, on ne va pas aller contre le droit, précise tout d'abord Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Néanmoins, autoriser la vente d'autotests, du moment qu'ils ont le marquage CE, et ne pas nous donner le droit d'accompagner le patient, ce serait juste incompréhensible », souligne-t-il.
Une vente à l'unité impossible
Laurent Filoche, président de l'Union des groupements des pharmaciens d'officine (UDGPO), relève par ailleurs un obstacle à la vente des autotests. Car si elle n'est pas interdite, la vente de ces dispositifs en officine est en fait techniquement impossible, fait-il remarquer. Les lots de tests livrés aujourd'hui comprennent en effet une seule notice destinée aux professionnels de santé. Il n'y a pas de notice pour chaque test, ce qui ne permet donc pas de les vendre à l'unité aux patients. « Si l'arrêté n'est pas publié et que nous ne sommes pas autorisés à faire des TROD, nous pourrions alors demander aux fabricants de nous fournir des autotests comprenant une notice pour chaque unité, envisage Laurent Filoche. Il s'agirait des mêmes tests que ceux que nous avons déjà reçus, seul le conditionnement serait différent. Ils auraient le marquage CE et un guide d'autointerprétation. » Un aménagement technique en forme de pis-aller qui offrirait à l'officine son lot de consolation. Quoi qu’il en soit, à l’instar des autres représentants de la profession, Laurent Filoche ne désarme pas sur la pratique des TROD et espère que les nombreuses relances de l'Ordre auprès de la Direction générale de la Santé (DGS) finiront par porter leurs fruits.
.
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques
Logigramme, formation…
Le dépistage de la cystite en pratique