Pour les patients qui ne peuvent pas encore justifier d'un schéma vaccinal complet, ou qui ne veulent pas être vaccinés, présenter un test négatif est le seul moyen d'obtenir le passe sanitaire. Depuis que ce dernier est entré dans nos vies, les pharmaciens ont réalisé en moyenne entre 3 et 5 millions de tests antigéniques chaque semaine.
Ils sont en revanche bien moins nombreux à s'être essayés aux autotests supervisés qui, depuis le 9 août, sont pris en charge par l'assurance-maladie et donnent eux aussi accès au précieux sésame (pour les activités sur le territoire français uniquement, l'autotest supervisé n'étant pas reconnu pour les voyages hors de France). Entre le 20 et le 26 août, seulement 130 000 autotests supervisés ont été réalisés (par l'ensemble des professionnels de santé habilités à le faire) si l'on en croit les données de la Direction générale de la santé (DGS). Selon les chiffres de Gilles Bonnefond, porte-parole de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), « le record du plus grand nombre d'autotests supervisés en officine sur une journée s'élève à 30 000 ». Une goutte d'eau dans l'océan des tests Covid.
« L'autotest ne doit pas se substituer au test antigénique »
Dans des articles de la presse quotidienne régionale, des patients témoignent de leurs difficultés à trouver un pharmacien qui accepte de superviser la réalisation de l'autotest. Interrogée par la « Dépêche du Midi », une Toulousaine en vacances sur la côte méditerranéenne explique ainsi que toutes les officines qu'elle a contactées l'ont redirigé vers un test antigénique. « Avant de venir, j’ai acheté un autotest en prévision de mon séjour, mais en arrivant ici : impossible de me le faire valider pour le passe sanitaire. Je n’ai pas trouvé de lieu pour me faire superviser », explique la jeune femme. Pour Gilles Bonnefond, il est tout à fait logique que les officinaux se montrent peu enthousiastes à l'idée de proposer ce nouveau service. « À la base, l'intérêt principal des autotests supervisés c'est de pouvoir faire plus rapidement des dépistages en cas de clusters dans des lieux très fréquentés, comme dans le cas d'un camping par exemple. Cela peut être utile si l'on veut gagner du temps, mais que l'on substitue les tests antigéniques aux autotests, ça sûrement pas », avertit Gilles Bonnefond. « Si un pharmacien ne fait pas de tests antigéniques, il peut être pertinent pour lui de proposer l'autotest supervisé. En revanche, si un officinal réalise des tests antigéniques, qui sont plus fiables et en plus moins douloureux, il n’a pas de raison d'orienter un patient vers un autotest supervisé », résume t-il.
Si le nombre d'autotests supervisés reste très limité, on ne connaît pas aujourd'hui la typologie des pharmacies qui les réalisent ni pourquoi elles le font. Une question à laquelle les syndicats cherchent actuellement une réponse. Gilles Bonnefond regrette en tout que certains patients voient désormais l'autotest comme une solution équivalente au test antigénique, le stigmate d'une mauvaise communication des autorités sanitaires selon lui.
« Une très mauvaise idée »
Président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO), Laurent Filoche porte un regard encore plus sévère sur la décision des autorités d'intégrer l'autotest au dispositif du passe sanitaire. « Pour moi c'est une très mauvaise idée, les autotests n'ont aucune légitimité du point de vue scientifique vu qu'ils ne sont efficaces qu'à 50 %. J'ai été consulté par le ministère et la DGS cet été, ils m'ont soumis cette idée et je leur ai dit ce que j'en pensais, à savoir que c'était une bêtise, explique-t-il. Je pense qu'ils ont eu peur que le réseau officinal ne soit pas en capacité d'augmenter le nombre de tests réalisés avec la mise en place du passe sanitaire. Les autotests supervisés étaient sans doute pour eux un moyen de démultiplier le nombre de tests, mais ce n'est pas un bon calcul. Cela dévalorise le passe sanitaire », estime Laurent Filoche.
Du point de vue pharmacien, l'autotest supervisé présente, de plus, un autre défaut. « C'est beaucoup plus chronophage que le test antigénique, tout ça pour gagner deux fois moins (8,70 euros pour la supervision et le renseignement du résultat dans SI-DEP plus 4,20 euros pour le matériel, alors que le pharmacien est rémunéré 25,01 euros pour un test antigénique). Le temps d'attente pour avoir le résultat est identique mais le processus de prélèvement est plus long avec l'autotest. C'est donc une perte de temps et d'argent. » Avant de commencer l'autotest supervisé, l'officinal doit vérifier l'éligibilité du patient (les majeurs asymptomatiques hors cas contact), puis lui expliquer comment réaliser l'autotest avant de le conduire dans un local adapté ou ce dernier devra impérativement s'autotester en restant assis. Pas question donc de laisser le patient faire son prélèvement au comptoir et le pharmacien doit enfiler surblouse, charlotte et visière avant de superviser. Une opération qui prend facilement une dizaine de minutes, plus long donc que si le pharmacien se charge lui-même du prélèvement.
Que se passera-t-il quand les tests de confort ne seront plus remboursés ?
Pour Laurent Filoche, il reste tout de même un espoir que l'autotest supervisé puisse un jour avoir un réel intérêt. « Quand les tests de confort ne seront plus remboursés, à la mi-octobre. À ce moment-là les patients réfractaires à la vaccination qui voudront être testés privilégieront le test le moins cher, donc l'autotest. En attendant, je préconise aux pharmaciens de rester sur les tests antigéniques, on verra ensuite en octobre où nous en serons », conclut Laurent Filoche. Sur ce dernier point, Gilles Bonnefond, lui, ne voit pas de changements en vue dans les semaines à venir. « Quand les tests de confort ne seront plus remboursés, les pharmaciens continueront d'orienter les patients vers les tests qui offrent le plus de garanties en termes de qualités, donc vers les tests antigéniques », anticipe-t-il de son côté.
Des tests antigéniques qui ont également peu à peu pris le pas sur les tests PCR et sont aujourd'hui largement privilégiés par les patients. Plus des deux tiers des tests Covid réalisés ces dernières semaines sont en effet des tests antigéniques selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
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