MÊME si le mot « Santé » a disparu de l’intitulé de son portefeuille, Marisol Touraine garde bien la Santé dans son périmètre d’action. Elle n’a cessé de le répéter ces derniers jours. D’ailleurs sur son blog rien n’a changé, il est toujours inscrit « ministre des Affaires sociales et de la Santé ». Et sur le nouveau site du ministère, un onglet « santé » figure en bonne place. « Dans un gouvernement resserré, les titres sont parfois resserrés », justifie-t-elle. Quoi qu’il en soit, la disparition de ces cinq petites lettres a suscité de vives réactions parmi les professionnels. Pourtant, ce n’est pas une première. Dans le gouvernement Jospin (de 1997 à 2002), la Santé n’avait pas de ministère attitré et était rattachée à celui de l’Emploi et de la Solidarité. Oui, mais à l’heure où le gouvernement doit annoncer prochainement un plan d’économies de 50 milliards d’euros, le monde de la santé est inquiet. Car pour y parvenir, le pouvoir exécutif a déjà prévenu qu’il donnerait un tour de vis aux dépenses de santé, à hauteur de 12 milliards d’euros pour les plus optimistes, et de 18 milliards d’euros pour les autres. Autrement dit, en ne voyant pas la mention « Santé » dans le gouvernement « de combat » de Manuel Valls, certains ont déjà imaginé que ce ministère allait tout simplement être rayé de la carte. Fraîchement reconduite, Marisol Touraine se veut rassurante. « Il y a une ligne rouge à ne pas franchir, affirme-t-elle. Nous ne pouvons pas affaiblir notre système de santé, procéder à des déremboursements en direction des Français, ils doivent savoir qu’ils seront protégés, que leur système de santé va être consolidé, c’est cela le pacte de solidarité », mesure récemment annoncée par le président de la République. Des pistes d’économies sont d’ores et déjà à l’étude. Il y a quelques semaines, le commissariat général à la stratégie et à la prospective avait remis à Jean-Marc Ayrault une note d’analyse proposant des mesures d’économies sur les médicaments (« le Quotidien » du 10 mars). Un document que l’ancien Premier ministre a certainement transmis à son successeur à Matignon.
La rémunération à l’acte confirmée.
En ce qui concerne la future rémunération des pharmaciens, aucun revirement n’est à attendre. L’arrêté de marge, ou encore le décret déterminant le taux de remboursement de l’acte pharmaceutique, indispensables au lancement de la réforme, devraient être validés par la nouvelle ancienne ministre de la Santé. Tout devrait aller vite désormais, ces textes étant, selon Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), d’ores et déjà finalisés (voir également l’article ci-dessous).
D’après le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, un texte resterait cependant en suspens, celui précisant le plafond de remises autorisées sur les génériques. Marisol Touraine devra rapidement trancher dans une fourchette allant de 0 à 50 %. Or, explique Gilles Bonnefond, si l’on additionne le taux maximum accordé de 17 % et la coopération commerciale, le taux de remise est actuellement proche de 40-45 %. Si la ministre opte pour un niveau inférieur, « nous perdrons de l’argent », insiste-t-il. « Le taux acceptable est celui qui permet à l’économie de l’officine de ne pas être dégradée », acquiesce le président de la FSPF, Philippe Gaertner.
Une place à saisir dans l’offre de soins.
Avec le maintien de Marisol Touraine, deux autres mesures controversées verront le jour à coup sûr, l’expérimentation de la dispensation à l’unité d’antibiotiques (dont les modalités devraient être publiées au « Journal officiel » ce mois-ci) et la suppression de la vignette pharmaceutique avec un délai d’écoulement des stocks arrêté à 30 jours. Un délai jugé insuffisant par les syndicats, qui plaident en faveur d’un délai d’au moins 40 jours.
En revanche, la stratégie nationale de santé, qu’elle continuera à développer, pourrait offrir une nouvelle place aux pharmaciens dans le parcours de soins. La loi de santé qu’elle présentera l’été prochain traitera des questions de prévention, de maîtrise des prescriptions et de développement des génériques, mais aussi de décloisonnement des pratiques et de télémédecine. Autant de domaines dans lesquels les officinaux ont un rôle à jouer. Mais pour Philippe Gaertner, les pharmaciens sont prêts à relever un autre défi, celui de maintenir le plus longtemps possible les personnes dans leur milieu de vie habituel. Un moyen d’éviter les hospitalisations non nécessaires ou trop longues.
Au total, les officinaux n’ont peut-être pas tout perdu en restant sous la tutelle de Marisol Touraine. De nombreux dossiers, essentiels pour l’avenir de l’officine, ne repartiront pas de zéro. On sait ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on trouve.
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