Chassez l’idée de déréglementer par la porte, elle revient par la fenêtre. Afin que la France respecte ses engagements économiques, Bruxelles insiste pour qu’elle allège l’encadrement de ses professions réglementées, et notamment dans le secteur de la santé (voir ci-dessous). Une vieille antienne, car c’était déjà ce que la Commission européenne entendait imposer dès cet été au gouvernement grec en contrepartie de l’aide obtenue par son Premier ministre, Alexis Tsipras. Avec au programme, l’ouverture du capital des pharmacies aux non-pharmaciens et la mise en concurrence du marché des médicaments avec la grande distribution.
Monopole contesté
Toutefois, les attaques ne viennent pas seulement de l’Europe. La France possède ses propres partisans de la déréglementation. Alors que l’on croyait les attaques contre le monopole de dispensation derrière nous, deux amendements à la loi de santé actuellement en discussion, fort heureusement rejetés par les sénateurs, sont là pour nous rappeler que la partie n’est jamais définitivement gagnée. Trois parlementaires UDI - Olivier Cadic, Michel Canevet et Joël Guerriau - sont revenus à la charge pour permettre la vente hors des pharmacies des médicaments de prescription médicale facultative (PMF), mais sous la surveillance effective d’un pharmacien. L’autre amendement, déposé par la sénatrice socialiste Patricia Schillinger, visait à autoriser la vente libre des substituts nicotiniques, également sous le contrôle d’un « docteur en pharmacie ». Pour ces élus, l’ouverture du monopole représente un moyen d’améliorer l’accès des patients à ces médicaments et de faire baisser les prix. Point rassurant, dans un cas comme dans l’autre, ils reconnaissent tout de même l’intérêt du diplôme de pharmacien.
Maillage fragilisé
Mais la fin du monopole officinal risquerait d’affaiblir encore un peu plus un réseau à l’économie fragile, sans pour autant garantir des prix meilleurs. Aujourd’hui, une pharmacie ferme tous les deux jours. Selon l’analyse des bilans 2014 (699 au total) présentée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), les officines dont le chiffre d’affaires (CA) est inférieur à 1,2 million d’euros enregistrent une baisse du revenu de 7 %. La situation est encore plus difficile pour celles dont le CA est en dessous de 800 000 euros et pour lesquelles la perte de revenus atteint 20 %. Au total, entre 4 000 et 5 000 pharmacies seraient menacées (« le Quotidien » du 5 octobre). La faute aux plans médicaments qui se succèdent, mais aussi au phénomène de désertification médicale. Des confrères en arrivent même à lancer des appels au secours directement via leur vitrine, comme ce titulaire à Étretat (voir encadré).
Capital convoité
Autre pilier toujours menacé, la réserve du capital au seul pharmacien. Déjà, les règles sont en passe d’évoluer au travers de la loi de santé. Le texte adopté en première lecture par les députés supprime l’obligation de détenir au moins 5 % des parts d’une officine pour exercer et permet l’entrée des adjoints dans le capital, tout en gardant un statut de salarié. Mais certains, au sein même de la profession, veulent aller plus loin. Dans son livre blanc, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) défend l’idée d’une ouverture du capital des officines à des pharmaciens en exercice, toutes sections confondues, ou à la retraite. Une main tendue en direction des grossistes répartiteurs, comme cela existe déjà dans d’autres pays ? Peut-être bien. En tout cas, Bercy aurait à l’esprit que « la pharmacie seule ne peut plus exister », rapporte Christian Grenier, président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie, Federgy. Le ministère de l’Économie estime également, selon lui, que l’officine, « comme tout commerce spécialisé, organisé, doit utiliser des outils communs mutualisés ». De plus, le ministère souhaite que la pharmacie délègue ses achats pour se consacrer à ses deux métiers, la dispensation et le commerce, ajoute Christian Grenier. Autant d’évolutions qui se retrouveront peut-être dans la future loi Macron 2 en préparation. À suivre.
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