L’Europe s’est mise en ordre de marche pour accélérer le processus d’homologation sans rogner sur les exigences scientifiques habituelles et s’est assurée d’une mise en production précoce et suffisante des futurs vaccins par le biais de pré-commandes de vaccins. Le but : gagner du temps dès qu’un vaccin obtiendra son autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne pour le rendre disponible dans tous les États membres le plus rapidement possible. Il s’agira d’AMM conditionnelles, valables un an et renouvelables, car objets d’une décision précoce. Ce type d’AMM, qui existe depuis une quinzaine d’années en Europe, est utilisé exclusivement pour des produits de santé qui répondent à un besoin médical non couvert et impose aux laboratoires concernés de fournir des données complémentaires.
En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est fin prête pour réagir au plus vite. Car pour les vaccins, comme pour les médicaments dérivés du sang, une étape supplémentaire est obligatoire avant l’arrivée sur le marché : l’autorisation européenne de libération de lots. Plusieurs organismes peuvent la délivrer et doivent avoir été désignés dans le dossier de demande d’AMM. L’ANSM est le premier centre de libération de vaccins en Europe (près de 40 % des lots de vaccins utilisés en Europe et environ 50 % des vaccins administrés en France). À l’image de la « rolling review » de l’Agence européenne du médicament (EMA) pour évaluer en continu les futurs vaccins, la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (EDQM) a mis en place un « parallel testing » pour que les vérifications des lots puissent être menées dès qu’ils sont disponibles sans attendre la demande de libération. Par ailleurs, l’agence française « est impliquée en tant que rapporteur ou co-rapporteur sur l’un des deux vaccins en cours d’évaluation au niveau européen », précise Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM.
Informations en temps réel
Mais c’est surtout sur la surveillance des vaccins une fois sur le marché que l’agence va déployer ses moyens. « L’enjeu est de s’assurer que le vaccin est bien efficace et d’identifier le plus vite possible des événements indésirables (EI) qui n’auraient pas été observés lors des essais cliniques », explique Céline Mounier, directrice de la surveillance à l’ANSM. Pour cela, elle compte sur la remontée d’informations en temps réel des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), chargés de recueillir et d’analyser les EI notifiés par les professionnels de santé et les patients. Le portail de signalements a été modifié pour faciliter les déclarations et la transmission d’informations pertinentes. De plus, le ministère de la Santé a mis sur pied la plateforme SI-VAC, qui intègre une fonctionnalité facilitant la déclaration d’EI par les professionnels de santé. En pratique, si le professionnel de santé renseigne un effet indésirable sur SI-VAC, il a accès au portail de signalement en un clic, sur lequel seront reportées de façon systématique les informations qu’il aura déjà inscrites sur SI-VAC. En sus, un système de « relance » est à l’étude pour solliciter les personnes vaccinées et identifier d’éventuels EI à distance de la vaccination.
Un ensemble de mesures qui vise à limiter la « sous-notification intrinsèque à la pharmacovigilance », même si, comme le précise Mehdi Benkebil, directeur adjoint de la surveillance, « l’objectif n’est pas l’exhaustivité (…) nous investiguons chaque EI et une seule EI peut suffire à déclencher une action, comme l’a fait l’agence du médicament britannique après deux cas d’allergie le 9 décembre avec le vaccin Pfizer-BioNTech ». C’est d’ailleurs ce type d’effet indésirable que l’ANSM compte traquer. « Ces deux cas d’allergie post-vaccinale doivent être investigués pour déterminer la raison. Il s’agit de deux personnes ayant des antécédents d’allergie grave connus et ces populations n’ont pas été incluses dans les essais cliniques, ce type de réaction ne peut donc être observé qu’en vie réelle », note Isabelle Parent, cheffe du pôle vaccin à l’ANSM.
Un rapport hebdomadaire
Les CRPV transmettront un rapport hebdomadaire au comité de suivi ANSM/CRPV. « Si un signal de sécurité est validé, des mesures adaptées à la nature et au niveau du risque seront mises en place afin de prévenir ou réduire la probabilité de survenue du risque chez les personnes vaccinées », confirme Céline Mounier. En outre, l’ANSM publiera chaque semaine un rapport de pharmacovigilance et une fiche synthétique avec les chiffres clés et les résultats marquants, à l’image de ce qu’elle fait déjà pour les traitements du Covid-19.
Par ailleurs, des enquêtes de pharmacovigilance sont prévues. Ainsi, un CRPV pourra être chargé d’étudier l’ensemble des signaux notifiés pour un vaccin particulier. Plusieurs CRPV seront chacun chargés d’une enquête de pharmacovigilance quand d’autres seront désignés « experts ponctuels » sur un type de pathologie. Des études de pharmaco-épidémiologie pourront être conduites par EPI-PHARE à partir d’un signal remonté par la pharmacovigilance. Le but : « Mesurer les risques de survenue d’EI post-vaccinaux graves à l’échelle de l’ensemble de la population ciblée, souligne Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe d’EPI-PHARE. Il s’agit donc d’une approche populationnelle comparative qui vient compléter les informations de pharmacovigilance basées sur la notification individuelle. » Des travaux spécifiques s’intéresseront notamment aux résidents des EHPAD, aux personnes ayant des comorbidités les exposant à un risque de Covid grave, aux femmes enceintes et aux jeunes adultes.
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