Marisol Touraine l’a promis le 25 mai dernier : les nouveaux traitements contre l’hépatite C, efficaces à plus de 90 % mais très coûteux, seront accessibles à tous les patients atteints de la maladie.
Depuis cette annonce, l’accès et le remboursement aux traitements ont été étendus à 6 profils supplémentaires : patients à un stade de fibrose moins avancé (F2), en attente de transplantation hépatique, en hémodialyse, présentant des manifestations extra-hépatiques ou encore à risque élevé de transmission du VHC (usagers de drogue, femmes en désir de grossesse), selon un arrêté publié dans le « Journal officiel » du 11 juin 2016. Ce qui a, certes, grandement amélioré la situation des malades. De plus, le 23 novembre, l'HAS a rendu un avis sur les 7 antiviraux d'action directe du VHC, dernière étape avant l'octroi de l'accès universel.
En attendant, certains patients ont décidé de ne plus perdre de temps et vont chercher des génériques dans les pays qui en commercialisent, tels que l’Inde ou l’Égypte, ou encore les commandent sur Internet. Ces pays qui ont la plus forte prévalence d’hépatite C ont été autorisés par Gilead à commercialiser des génériques de leurs spécialités, Sovaldi et Harvoni. Les prix défient alors toute concurrence, parfois à partir de 900 euros pour la cure de 12 semaines, alors que les princeps sont vendus en France 41 000 et 46 000 euros la cure. Ainsi, l’association SOS hépatites relaie le témoignage de Chloé, qui s’est fait rapporter des médicaments indiens : « Au bout de 2 semaines, mon VHC était indétectable. Trois mois après l’arrêt du traitement, il l’est toujours. À 18 ans, je ne regrette pas mon choix, légal ou non. »
Démarchage algérien
Aujourd’hui, c’est même un laboratoire algérien qui vient carrément dans l’Hexagone pour démarcher les patients français. En Algérie, il est en effet possible de commercialiser des génériques de Sovaldi et Harvoni, étant donné que Gilead n’a pas déposé de brevet dans le pays. Début novembre, Rachid Kerrar, patron du Laboratoire Beker, implanté près d’Alger, est donc venu présenter les génériques de Sovaldi et d'Harvoni qu’il commercialise en Algérie. Baptisés respectivement Sofos et Sofosled, ils sont vendus 2 000 et 3 000 euros la cure de 12 semaines. Rachid Kerrar n’hésite pas à proposer aux patients de se rendre en Algérie afin de se procurer ces médicaments.
Yann Mazens, directeur de l’association SOS hépatites, ne soutient pas ce type de démarche : « on crée un système à deux vitesses, entre les patients qui sont en mesure de faire le trajet en Algérie ou ailleurs et les autres qui ne le peuvent pas. Par ailleurs, on ne peut pas inciter les patients à se soigner avec des médicaments qui n’ont pas été contrôlés par les autorités sanitaires de notre pays, d’autant plus que le risque de contrefaçon est important : un médicament sur deux dans le monde serait contrefait. Enfin, ces traitements demandent un suivi rigoureux, ils peuvent provoquer des effets indésirables graves, il y a notamment des précautions à respecter chez les patients atteints de problèmes cardiaques. Sans ce suivi, il y a danger ».
En dépit de ces critiques, la démarche du Laboratoire Beker jette un nouveau pavé dans la mare. Elle démontre qu'un rationnement de l’accès aux traitements peut mettre en jeu la sécurité sanitaire. « Certains vont acheter leurs médicaments à l’étranger, d’autres les commandent sur Internet, et il y a même un marché parallèle qui s’est mis en place : on peut se procurer ses médicaments sous le manteau porte d’Italie, à Paris. Des laboratoires d’Inde ou du Bangladesh et des commerciaux spécialisés démarchent notre association pour fournir des dizaines de milliers de traitements du VHC ! Le rationnement alimente un juteux trafic, au détriment de la sécurité des malades », alerte Yann Mazens.
L'option de la licence d'office
Ainsi, les associations telles que SOS hépatites ou Médecins du monde cherchent une solution pérenne. Elles militent activement pour l’accès aux médicaments de l’hépatite C pour tous à un prix raisonnable, ou encore pour la mise en place d’une licence d’office. Cette disposition légale suspend les droits exclusifs accordés par le brevet et permet l’importation ou la production locale de générique. Mais cette proposition n’a pas fait écho dans les ministères. « Elle est considérée par le gouvernement comme la bombe atomique dans les négociations avec les laboratoires », avance Yann Mazens. Cette solution est donc radicalement écartée par les pouvoirs publics, qui estiment qu’elle ne respecte pas les règles sur les brevets. Ainsi, pour éviter les dérives, il reste à la France d’étendre au plus vite, comme elle l’a annoncé, l’accès et le remboursement de ces médicaments à tous les patients atteints d’hépatite C. Ce qui implique de renégocier au mieux leurs prix avec les laboratoires, afin de respecter l’enveloppe globale des dépenses de santé.
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