Depuis plus de trente ans, Michel-Edouard Leclerc s’attaque régulièrement au monopole des pharmaciens. Il y a quelques jours encore, il profitait d’une invitation dans la matinale d’Europe 1 au sujet de sa nouvelle offre dans le domaine de l’électricité pour réaffirmer qu’il lorgnait aussi sur le marché de la santé. « Toujours dans cette idée de lutte contre l'inflation, d'augmentation du pouvoir d'achat », le PDG des enseignes E.Leclerc expliquait vouloir proposer des autotests et des patchs nicotiniques dans les parapharmacies du groupe. « Nous avons des pharmaciens qui sont tout à fait capables de vendre ces produits », affirme-t-il. Déjà, fin juin, il se disait capable de vendre des spécialités pharmaceutiques à des prix 10 à 15 % moins élevés qu’en officine (notre édition du 5 juillet).
Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Michel-Edouard Leclerc fait preuve de cynisme. « On ne peut être le champion de la distribution de la malbouffe et nous expliquer qu’on aimerait bien vendre aussi des tests contre le cholestérol », lance-t-il. Il ajoute : « A chacun son métier : Leclerc fait de la distribution, de la vente poussée, de la promotion. Il ne faut surtout pas cela pour le médicament. Je le redis, ce monsieur est disqualifié pour parler de santé. » Quant aux pharmaciens qui travaillent dans ses magasins, qui sont chef du rayon parapharmacie et parfois même d’autres rayons, Gilles Bonnefond estime qu’il s’agit de diplômés qui ont choisi de ne plus faire leur métier de pharmacien. « La mise en avant de leur diplôme est une tromperie », insiste-t-il. Le syndicat vient de solliciter le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour qu’il fasse cesser la diffusion télévisuelle des messages des enseignes E.Leclerc.
Publicité mensongère
Déjà, en juillet, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) a assigné la centrale d’achats des enseignes E.Leclerc (le GALEC) pour publicité mensongère. « Lors de différentes campagnes, les parapharmacies Leclerc utilisent l’argument fallacieux qu’elles sont dirigées par des docteurs en pharmacie, qui, en plus du "prix" Leclerc, fournissent les conseils d’un professionnel de santé », s’insurge l’organisation. Pour elle, « cette publicité trompeuse, faite pour attirer la clientèle dans les parapharmacies E. Leclerc et la détourner des pharmacies d’officine, constitue un acte de concurrence déloyale ».
De son côté, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) rappelle que si ces produits de santé sont uniquement dispensés en pharmacie d’officine, c'est bien parce que la dispensation des autotests et des médicaments comme des substituts nicotiniques doit s’effectuer dans un environnement sécurisé soumis à des contraintes organisationnelles et juridiques strictes. « N’étant pas des produits de consommation courante, ces produits de santé ne sauraient être utilisés sans l’accompagnement d’un professionnel de santé compétent soumis à un devoir particulier de conseil et au secret professionnel », explique son président, Philippe Gaertner.
L’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) se déclare, pour sa part, « consternée » par cette nouvelle campagne de communication. À ses yeux, la vente en grande surface empêcherait le suivi du patient et augmenterait le mésusage ainsi que la surconsommation de médicaments. Quant aux économies pour le consommateur, les futurs diplômés rappellent à M. Leclerc qu'il avait « promis des tests de grossesse à moins d’1 euro en 2014 et qu'il en fait, aujourd’hui, la publicité à 3,11 euros ».
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