« Notre métier est surtout médical, rappelle Sylvie Mullie. Participer à cette opération de dépistage des maladies cardiovasculaires à l'officine permet de le rappeler fortement, et de nous différencier du côté mercantile, trop souvent mis en avant. » Cette pharmacienne du centre-ville de Lens (Pas-de-Calais) est, en effet, une des quarante-quatre titulaires du bassin Lens-Hénin qui ont démarré cette opération.
Deuxième cause de mortalité en France, troisième cause de mortalité prématurée, selon l'Institut de veille sanitaire, les maladies cardiovasculaires sont d'autant plus présentes en Nord-Pas-de-Calais : le taux de la mortalité prématurée y est supérieur de 44,5 % à la moyenne nationale (et +81,4 % pour le Lensois). L'agence de santé (ARS) l'avait identifié dans le cadre d'un programme d'actions intitulé Parcoeur. À sa suite, les différentes URPS et les cardiologues avaient souligné le besoin d'un dépistage en officine.
« Nous cherchons à repérer des clients à risques, et à les aider à modifier leur comportement, précise Sylvie Mullie. Tout commence par un dépliant collé sur chaque comptoir, et disponible à côté, où il est écrit en gros que le dépistage ne prend pas plus de 15 minutes. Avec un client à risques, pour cause d'obésité, de tabagisme, de vie sédentaire, d'alcool, dont le dossier pharmaceutique (DP) précise qu'il n'est pas suivi, nous entamons la conversation, lui demandons s'il serait intéressé. Les trois quarts du temps, le patient fait tout de suite le test : répondre à des questions, prises de mesures, d'une goutte de sang pour mesurer le diabète, le cholestérol. On fait cela dans une des trois pièces de confidentialité. On remplit un formulaire, dont le patient peut remettre un des volets à son médecin. »
20 euros le dépistage
L'opération durera trois mois, chaque pharmacie devant effectuer quarante dépistages, chacun rémunéré 20 euros par un budget abondé par l'ARS et la caisse maladie. Après trois semaines, la pharmacie de Sylvie Mullie avait déjà réalisé vingt-neuf dépistages, dont trois positifs, deux des patients s'étant rendus ensuite chez leur médecin.
« Les gens que nous interpellons ont 50 à 60 ans, reprend la consœur, l'âge où on s'interroge sur sa santé. Ils ne sont pas venus pour cela, mais la moitié nous sollicitent d'eux-mêmes, les autres répondent à notre avance. Il y a un bon ressenti face à cette initiative : notre rôle est bien perçu, même de la part des médecins de ville. Nous devons justement faire ce lien entre le pur médical et l'information que dispense la presse. Le pharmacien est un maillon intermédiaire. »
« Ce type d'opération nous apprend aussi à travailler avec les autres professionnels de santé. Nous avons le contact aisé avec les clients. Dans cette officine, nous faisons aussi de l'orthopédie, de la HAD et de l'homéopathie, pour quoi les adjoints ont été formés, nous avons déjà participé à des dépistages des AVC, de l'asthme, et, avec Giropharm, nous travaillons sur la qualité, sur l'ISO 9001. C'est tout cela qui nous démarque de la grande distribution ! »
« Nous sommes trois pharmaciens, et trois préparateurs formés, et nous avons pris l'habitude d'aller au-devant du client. Pour les maladies cardiovasculaires, nous avons suivi une formation, en septembre, avec un cardiologue, un psychologue pour apprendre à aborder le client, avec la présentation du matériel. Tout a été plutôt facile à mettre en place, avec en plus la période favorable du Mois sans tabac. On a quand même été un peu débordé avec Octobre rose, et une opération sur l'allaitement ! Mais je suis sûre que cela met notre rôle de pharmacien en valeur, conclut Sylvie Mullie. Nous parlons aussi de nutrition, de ce qui aide le client à bouger, à réduire son risque cardiovasculaire. Tout cela est un bon virage pour notre profession. Nous sommes restés une profession médicale, et cette opération est un bon début. Nous sommes prêts à faire les vaccins ! »
Un bilan du dépistage sera réalisé par l'URPS en 2017.
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