Des assemblages qui font débat

Mouvements officinaux à Cognac

Publié le 02/03/2017
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La fusion de deux pharmacies et un projet de transfert agitent quelque peu le monde habituellement serein de la profession cognaçaise.
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Crédit photo : phanie

Dans une ville plutôt bien pourvue – 12 officines + 2 autres en très proche banlieue à Chateaubernard – l’activité reste très concurrentielle, pour un peu plus de 19 500 habitants. De quoi évoquer pour certains une « overdose » sur fond de réduction des marges ou de prescription médicales en baisse. De quoi également provoquer quelques réactions et quelques mécontentements.

« En fait, six licences suffiraient, calcule le président de l’USPO de Charente, Jean-Philippe Brégère, lui-même installé à Angoulême. On ne peut parler d’overdose, c’est excessif, mais plutôt de mauvais calcul de la part des institutions qui ont laissé au fil des ans les pharmacies muter ou s’ouvrir sans trop intervenir dans leurs choix. »

Donc, à Cognac, la Pharmacie Principale, tenue par Isabelle Vanoni, reprend la Grande Pharmacie centrale de Marie Pierre Gavillon, et va emménager dans celle-ci. L’opération est en cours, et deviendra une réalité dans quelques semaines, la première officine disparaissant pour s’intégrer dans la seconde.

« Il s’agit d’une opportunité, dévoile la titulaire. Ma consœur souhaitait vendre, et moi je cherchais à prendre de l’espace, à gérer une structure plus importante. Nos habitudes ne seront pas bouleversées, puisque nous sommes distantes de 150 mètres. Quant au personnel – 2 chez moi, 5 dans l’autre commerce – aucune décision n’est prise pour l’instant. Nous nous adapterons aux besoins. »

Transfert et grogne

Si cette opération se déroule sans trop perturber le microcosme officinal local, il n’en est pas de même pour le transfert de la pharmacie Saint Léger, une des plus anciennes de Cognac. Dirigée par Lucille Simonnet, occupant deux personnes, elle ambitionne un déplacement à 1,3 km de là, dans des locaux plus vastes et commercialement mieux situés. L’agence régionale de santé (ARS) a donné son accord, mais l’opération ne fait pas le bonheur de plusieurs confrères (7 au total) qui ont déposé un recours en annulation auprès du tribunal administratif, retardant ainsi le projet.

« Pour moi, je ne cherchais pas le conflit, explique la titulaire. Je suis dans un quartier piétonnier, entouré de 5 autres officines, et je souhaitais déménager vers une zone plus accessible, avec parking, et moins occupée. Ils ont avancé plusieurs raisons à leur démarche, mais en réalité je suis dans un gâteau qui ne peut s’agrandir mais qu’il ne faut pas partager. Je persiste dans mes intentions, et je compte bien aboutir. »

Le président Brégère reste pour sa part dubitatif, estimant l’autorisation de l’ARS donnée un peu trop rapidement, et s’interrogeant sur la rentabilité de cette mutation. Mais il ne commente pas pour autant le dossier, attendant dorénavant comme les autres les décisions de la justice. À Cognac, la vie officinale n’est pas toujours un long fleuve tranquille.

Un département en mutation

De fait, la Charente est, en matière de pharmacies, en pleine mutation. Les professionnels s’adaptent, les regroupements se multiplient, tandis que s’accélère la désertification rurale et que se posent des problèmes de succession. Ainsi de Montignac en fusion avec St. Amant de Boixe, d’Aigre où un départ à la retraite a causé un rachat, et donc une fermeture, mais aussi à Rouillac, Roumazières, Aigre, et en bien d’autres lieux.

« C’est inévitable, constate le responsable du syndicat charentais, qui estime qu’en dix ans une dizaine de rideaux ont été baissés. Ces mouvements génèrent d’autre part des risques financiers réels, alors que le marché du médicament est de plus en plus aléatoire. »

Jean-Marc Glemot, installé à Baignes, président de l’Ordre régional, constate quant à lui l’évolution de son métier, sans prendre position sur ces mouvements : « Nous vivons une époque de transition, durant laquelle les schémas d’implantation sont appelés à se redessiner. Les pharmaciens doivent se remettre en cause, se rapprocher de leur cœur de métier, l’accompagnement des patients, suivre l’évolution des nouvelles missions d’évaluation thérapeutique, d’observance des traitements. Mais soulignons que, pour l’instant, notre département ne connaît pas de « trou » pharmaceutique, et que le maillage officinal est cohérent, et satisfaisant pour la population. »

Jean-Pierre Gourvest

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3330