Les syndicats de pharmaciens, les représentants des groupements, des génériqueurs (GEMME) et l'organisation professionnelle des entreprises du médicament (le LEEM) ont décidé de boycotter la réunion du comité de suivi des génériques, prévue ce jeudi 26 janvier. Une mobilisation d'une ampleur inédite afin de dire stop aux nouvelles baisses de prix souhaitées par le Comité économique des produits de santé (CEPS), qui pourraient aggraver encore davantage les ruptures et tensions d'approvisionnement.
Jamais autant d'acteurs de la chaîne du médicament n'avaient décidé de boycotter ensemble une réunion du comité de suivi des génériques. Ce sera le cas ce jeudi 26 janvier. « La stratégie du CEPS n'est plus tenable, assène Pierre-Olivier Variot. On ne peut plus tolérer ces baisses de prix, qui risquent d'appauvrir encore davantage le marché des médicaments en France. Il nous faut une vraie stratégie, mettre l'accent sur le bon usage notamment. » Le président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) et ses homologues de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), du GEMME, du LEEM et des groupements (UDGPO et Federgy) ne veulent plus entendre parler de baisses sur des médicaments dont les prix en France sont déjà au plus bas. Une politique qui, selon eux, est la cause des ruptures observées depuis de longs mois sur de nombreux médicaments de première intention.
« Depuis 2005, la stratégie des gouvernements successifs c'est de financer l'innovation en baissant le prix des médicaments matures, explique Philippe Besset, président de la FSPF. Aujourd'hui, en France, nous n'avons plus d'industriels qui fabriquent des principes actifs et si l'on continue dans cette voie, nous allons perdre les façonniers également. Nous pensions que notre appel avait été clair en fin d'année dernière (notamment sur le retrait du projet d'appel d'offres sur les génériques dans le dernier PLFSS) mais ce n'est visiblement pas le cas. Il faut bien sûr financer l'innovation mais pas au détriment des médicaments de première intention, l'amoxicilline, la cortisone, le paracétamol… Collectivement, nous disons stop à ces baisses de prix », clame Philippe Besset.
Malgré les pénuries déjà bien présentes aujourd'hui, le CEPS veut imposer 67,4 millions d'euros d'économies sur 7 molécules (dont la metformine, le pantoprazole, l'ésoméprazole ou encore l'atorvastatine). « Pour la metformine, une boîte de 30 est aujourd'hui à 1,27 euro, on nous demande une baisse pour passer à 1,11 euro », précise le vice-président du GEMME, Jérôme Wirotius, à titre d'exemple. Ces énièmes baisses de prix interviennent dans un contexte déjà très difficile pour les génériqueurs, entre l'inflation et l'impact de la clause de sauvegarde (de plus en plus important). « Le prix des médicaments en France est très bas par rapport à la moyenne européenne, rappelle en outre Jérôme Wirotius. L'Allemagne et le Portugal ont décidé d'augmenter le prix des médicaments de première intention. Des pays ont donc compris qu'il fallait augmenter leur prix et non les baisser alors qu'ils sont déjà sur des prix plus élevés que les nôtres. Nous demandons donc l'application de certaines mesures en urgence : un moratoire sur la baisse des prix en cours, des hausses ciblées sur des produits essentiels à intérêt thérapeutique majeur et l'accélération de la substitution par les biosimilaires », souligne le vice-président du GEMME.
Comme le rappelle Alain Grollaud, président de Federgy, l'éternelle politique de baisse des prix doit aussi être revue car il existe d'autres possibilités pour faire des économies. « On n'apprend pas du passé, ces baisses de prix vont entraîner de nouvelles pénuries. À chaque fois, nous mettons pourtant en avant d'autres gisements d'économies, comme la substitution par les biosimilaires, mais nous ne sommes pas entendus. » Pour son alter ego de l'UDGPO, Laurent Filoche, il est désormais temps de désigner les noms des responsables des pénuries qui pénalisent les officinaux comme les patients. « On met souvent ce problème sur le compte de la situation en Chine, de la guerre en Ukraine… mais il faut mettre en avant le fait que ces pénuries sont dues à la politique française, argue-t-il. Il n'est pas étonnant de voir que l'on préfère vendre des produits dans d'autres pays parce que le prix offert y est décent contrairement à chez nous. Il est donc temps pour nous de désigner les vrais coupables, de pointer du doigt le CEPS dont la politique n'est plus justifiable ». L'UDGPO s'est ainsi associée à la démarche de l'USPO, qui a envoyé en début de semaine une affiche aux pharmaciens pour qu'ils interpellent leurs patients sur la problématique des pénuries. Une affiche qui comporte le message suivant : « Vous attendez vos médicaments, nous (les pharmaciens) attendons des réponses ».
À travers ce boycott de la réunion de suivi des génériques, les parties impliquées espèrent faire réagir les décideurs et obtenir, dans l'absolu, un statu quo sur les baisses de prix cette année. Néanmoins, l'objectif à long terme est bien de parvenir à changer radicalement de braquet pour éviter que les pénuries ne s'aggravent encore davantage, ne touchent encore plus de classes de médicaments et ne fassent perdre encore plus de temps aux pharmaciens.
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