Selon un sondage Odoxa, réalisé pour l'enseigne Elsie Santé, plus de 9 Français sur 10 veulent que les pharmacies soient autorisées à réaliser des tests sérologiques pour le Covid-19. Un plébiscite qui risque de rester sans lendemain, au moins à court terme, compte tenu des conclusions de la Haute Autorité de santé (HAS) qui a rendu public, le 2 mai, son rapport sur « la place des tests sérologiques dans la stratégie de prise en charge du Covid-19 ». Si l'instance doit encore rendre ses conclusions au sujet des autotests et des TROD, son évaluation des tests sérologiques automatisables (Elisa), réalisés en laboratoire, fait naître de nombreux doutes sur l'utilité de cette modalité de dépistage. Les tests sérologiques (en complément de la RT-PCR), peuvent permettre de savoir si l'on est, ou si l'on a été, malade du Covid-19. En revanche, les tests sérologiques ne permettent pas de répondre à la question :« Suis-je contagieux ? ». Ils ne permettent pas non plus de répondre à la question : « Suis-je protégé contre le Covid-19 ? ». Ces limites font dire à la HAS que « mal utilisés, les tests sérologiques pourraient induire en erreur les patients sur leur immunité ». Ce qui pourrait provoquer « un relâchement sur les mesures barrières et la distanciation sociale, augmentant ainsi le risque d'une nouvelle vague épidémique ». Les experts de la HAS veulent donc réserver l'usage de ces tests sérologiques à trois cas de figure en priorité : « confirmer un diagnostic en l'absence ou en complément des tests virologiques au début de la maladie », « dépister l'infection chez le personnel soignant », ou dans le cadre de la réalisation « d'enquêtes épidémiologiques ».
Pas un non définitif
La stratégie de la HAS avait déjà été dessinée dans une note de cadrage datée du 24 avril selon laquelle « les tests sérologiques ne sont pas recommandés dans le cadre du diagnostic précoce de l’infection Covid-19 étant donné que la production d’immunoglobulines (IgM ou IgG) n’est détectable chez les patients symptomatiques qu’à partir de la deuxième semaine suivant l’apparition des symptômes ». Interrogée à leur sujet le 4 mai sur RTL, la présidente de la HAS, Dominique le Guludec, avait d'ailleurs exprimé des réserves. « Le problème aujourd'hui, c'est qu'il y a des choses que nous ne savons pas. Il nous manque une donnée fondamentale : est-ce que ces anticorps sont produits par les personnes qui ont été infectées ? Nous n'avons pas cette certitude et c'est pour cela que nous ne pouvons pas conseiller un dépistage généralisé qui rassurerait à tort les patients. Ils ne savent pas aujourd'hui s'ils peuvent être à nouveau malades et donc contagieux. Si vous vous croyez protégé du virus, vous baissez la garde », estime la présidente de la HAS. Dominique Le Guludec ne veut tout de même pas fermer définitivement la porte aux tests sérologiques mais, « vu les connaissances que nous avons, nous ne pouvons pas aller plus loin », juge-t-elle.
Pour autant, s'il souhaite atteindre son objectif de 700 000 tests par semaine à partir du 11 mai, contre environ 280 000 aujourd'hui, le gouvernement ne pourra faire l'économie du recours aux tests sérologiques.
Comme le montre un récent sondage OpinionWay, les Français doutent en tout cas de la capacité du gouvernement à tenir ses promesses sur la réalisation des tests de dépistage. Selon cette consultation, ils sont en effet « 72 % à estimer que les pouvoirs publics ne seront pas en mesure de tester toutes les personnes symptomatiques ».
Comme pour les masques, un revirement est-il possible ?
C'est donc essentiellement sur les tests virologiques, pourtant responsables d'un faux négatif dans environ 1 cas sur 3, que l'exécutif compte s'appuyer pour remonter les chaînes de contamination et isoler les personnes infectées. D'autant que la réalisation des tests sérologiques ne devrait pas concerner le grand public. Au moins dans un premier temps. Car des acteurs de la profession, à commencer par certains groupements, s'étaient positionnés pour que les officinaux puissent en réaliser. Malgré les recommandations de la HAS, le débat n'est peut-être pas encore clos, comme veut le croire Laurent Filoche, président de l'Union des groupements de pharmaciens d'officines (UDGPO). « Nous sommes extrêmement favorables à ce que les tests sérologiques soient réalisés en pharmacie. Ils ont toute leur place dans la stratégie de dépistage », rappelle-t-il. Prenant pour exemple la question des masques, sur laquelle le gouvernement a rétropédalé, Laurent Filoche estime que la question de la disponibilité des tests sérologiques a beaucoup pesé sur l'avis rendu par les autorités sanitaires à leur sujet. « Si ces tests étaient disponibles en quantité suffisante, je pense que nous n'hésiterions pas à les utiliser. Les pénuries de masques au début de l'épidémie ont conduit les autorités à dire qu'ils n'étaient pas indispensables. Aujourd'hui, la doctrine n'est plus du tout la même. Selon moi, on assiste aujourd'hui à la même chose avec les tests sérologiques. » Laurent Filoche attend désormais la publication par la HAS du listing des tests sérologiques recommandés. Quoi qu’il en soit, dès qu'il en disposera, il les réservera, pour commencer, aux membres des équipes officinales de son réseau.
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