La désertification médicale s'accélère. Selon deux études récentes, 11,1 % de la population vivait dans un désert médical en 2019, soit 7,4 millions de Français, contre 5,7 millions en 2016 (8,6 %).
« L'offre de soins est mal répartie sur le territoire et elle se rétracte inexorablement », observe Séverine Salgado, directrice santé à la Mutualité française, qui a présenté l'une de ces deux études, un baromètre santé réalisé avec l'Association des maires de France (AMF). « Si nous ne faisons rien, la situation va se détériorer », prévient Séverine Salgado, rappelant que beaucoup de généralistes se rapprochent de l'âge de la retraite. « Or c'est dans les départements où la densité médicale est la plus faible que les médecins sont aussi les plus âgés », ajoute-t-elle.
Selon le baromètre de l'AMF, la France dénombre en moyenne 151 médecins généralistes pour 100 000 habitants, mais les écarts sont très importants entre les départements (94 dans l'Eure, département qui en compte le moins, 248 dans les Hautes-Alpes, le mieux pourvu). « Nous savions le désert médical. Nous savions aussi la dégradation dans certaines régions », a réagi François Baroin, le président de l'AMF, qui appelle à un « big bang médical territorial » pour y remédier. « Nous avons formulé des propositions en termes de réorganisation de santé, il faut de nouveaux véhicules législatifs pour que les maires ou les intercommunalités puissent être des acteurs du financement de la médecine généraliste et hospitalière », estime François Baroin.
La seconde étude, réalisée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF), est encore plus alarmiste. Selon ces travaux, les habitants des régions rurales « consomment 20 % de soins hospitaliers en moins que ceux des villes ». Un chiffre considérable « au regard de l'idée que l'on se fait de l'égalité entre citoyens », analyse Emmanuel Vigneron, l'auteur de l'étude.
« Les pharmacies pâtissent de plus en plus de la désertification médicale »
Le départ des médecins généralistes dans les territoires reculés impacte évidemment le maintien des pharmacies, compte tenu de la diminution des actes de prescription. Environ 500 communes comptent une seule et unique pharmacie et aucun médecin généraliste aujourd'hui. Entre 2008 et 2018, plus de 1 500 officines ont baissé le rideau. Difficile toutefois de savoir combien d'entre elles ont cessé leur activité à cause de la désertification médicale. « Le Conseil national de l'Ordre a essayé de l'évaluer mais c'est impossible, précise Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Une fermeture d'officine est forcément multifactorielle. Ce qui est certain en revanche, c'est que de plus en plus de pharmacies pâtissent de ce phénomène au quotidien. » La désertification médicale va continuer à s'accélérer dans les dix années à venir, prédit Philippe Besset sans hésitation. « C'est inéluctable. Des mesures ont été prises, certes, mais elles sont trop tardives. Le temps qu'elles se mettent en place, on aura perdu des pans entiers de territoire. Il aurait été plus simple de maintenir en place un réseau existant que de tout reconstruire », regrette-t-il.
Même si la situation est grave, la prise de conscience politique est encore loin d'être au rendez-vous, déplore-t-il par ailleurs. « On a vu avec le Ségur de la Santé qu'il n'était question que de l'hôpital qui, il est vrai, a besoin de moyens, mais la médecine de ville a elle aussi besoin qu'on s'occupe d'elle. » Totalement en phase avec l'AMF et ses propositions, Philippe Besset veut, de plus, proposer un « grand plan de santé publique ». Un plan qui aurait comme principale vocation « d'offrir des moyens aux acteurs des territoires, pour leur permettre de mener des actions dans le domaine de la prévention, avec comme priorité l'éducation en santé du patient », souligne le président de la FSPF.
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