Dès la rentrée prochaine, tous les élèves de 5e, filles comme garçons, n'auront pas besoin de prendre rendez-vous chez le médecin pour être vaccinés contre le HPV. Ils pourront être immunisés au sein même de leur collège. Cette vaccination, intégralement prise en charge par la Sécurité sociale, ne sera pas obligatoire cependant et l'accord parental sera nécessaire. Le président de la République a annoncé en personne la nouvelle lors d'une visite dans un collège de Jarnac, en Charente, le 28 février. L'idée de proposer cette campagne de vaccination généralisée fait suite à une première expérimentation menée pendant deux ans dans les collèges de la région Grand Est. Cette dernière a permis de faire passer la couverture vaccinale des jeunes scolarisés en 5e de 9 % à 27 % la première année et de 14 % à 31 % la seconde. L'extension de la campagne à l'ensemble du pays pourrait permettre à 800 000 élèves par an d’être protégés contre les cancers liés au HPV, dont on estime le nombre de cas à plus de 6 000 par an en France (voir encadré).
Objectif 80 % des jeunes vaccinés en 2030
Pour Emmanuel Macron, il est temps de rattraper le retard considérable accusé par la France en matière de couverture vaccinale contre le HPV. Fin 2021, 45,8 % des filles âgées de 15 ans avaient reçu une dose, et 37,4 % des filles de 16 ans disposaient d'un schéma complet à deux doses, selon les chiffres de Santé publique France. Alors qu'elle est recommandée depuis 2021 pour les garçons, seulement 6 % d'entre eux avaient reçu une dose à l'âge de 15 ans. Des chiffres à des années-lumière de ceux de certains de nos voisins européens, comme le Royaume-Uni, la Finlande, la Suède, la Hongrie, la Norvège ou encore l'Espagne, où plus de 70 % des adolescentes sont en effet vaccinées.
Malgré un léger progrès ces dernières années, les objectifs fixés par le plan cancer 2014-2019, une couverture à 60 %, n'ont pas du tout été atteints. Alors que le dernier plan cancer, qui couvre la période 2021-2030, vise une couverture de 80 % en 2030, il est désormais temps de passer à la vitesse supérieure. Pour atteindre ce chiffre, Emmanuel Macron n'exclut pas d'ailleurs de passer un jour par la coercition. S'il privilégie aujourd'hui « un travail de conviction », le chef de l'État a également déclaré que « la question se posera pour savoir si à un moment donné on rendra obligatoire (la vaccination HPV) ».
Une mesure saluée par les associations et les syndicats de pharmaciens
De nombreuses organisations de professionnels de santé ont salué l'initiative du chef de l'État, à commencer par les syndicats de pharmaciens. « Réaliser cette vaccination au sein même des collèges est une excellente idée, il faut aller là où les jeunes se trouvent », estime le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset. Même tonalité du côté de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), qui « se félicite de cette annonce (...) dans un contexte où la vaccination HPV reste bien en deçà de l’objectif fixé par la stratégie décennale de lutte contre le cancer ».
De même, le collectif Demain sans HPV, qui réunit dix associations (Imagyn, Corasso, No Taboo, CRIPS Île-de-France, Actions Traitements, Courir pour Elles, Vaincre PRR, Clelialine, Akuma, et The NWC), se réjouit de cette annonce, en ajoutant toutefois que cette vaccination au collège doit se faire sur le modèle du consentement présumé, qui existe pour le don d’organes, afin de permettre au plus grand nombre d’être protégé. De plus, elle ne doit pas être une action isolée : « Il faut accompagner les infirmiers scolaires, communiquer auprès des parents, et réunir tous les acteurs autour de la table - éducation nationale, professionnels de santé, ARS, CNAM - pour obtenir l'adhésion de tous », avance Jean-Baptiste Lusignan (CRIPS île de France). Le collectif veut aller plus loin : « Nous demandons à ce que soit élargie à tous la vaccination en rattrapage jusqu'à 26 ans, rattrapage aujourd’hui limité aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. De plus, il faut que la vaccination soit élargie aux pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, pour tous les jeunes de 11 à 26 ans, et que soit mise en place une stratégie nationale d'élimination des HPV pour éradiquer ces cancers évitables », revendique Coralie Marjollet, présidente d'Imagyn. Enfin, « nous proposons que soient déployées des campagnes d'information pluriannuelles sur les maladies induites par les HPV dans les officines, cabinets médicaux, etc. », poursuit-elle.
À quand la prescription du vaccin HPV par le pharmacien ?
Lors de sa visite en Charente, Emmanuel Macron a confirmé que les pharmaciens, infirmiers et sages-femmes pourraient bel et bien prescrire et administrer les vaccins contre les papillomavirus à partir du mois de septembre, chez les 11-14 ans et, dans certains cas, jusqu'à 19 ans. Pour le moment, l'implication des officinaux dans la vaccination contre le HPV est freinée par l'absence des textes les autorisant à prescrire les vaccins vivants et non-vivants. Une mesure prévue par la dernière convention pharmaceutique et conforme aux recommandations de la HAS, laquelle préconise aussi d'autoriser les officinaux à administrer ces vaccins aux enfants de la tranche d'âge de 2 à 15 ans. Dans un communiqué, l'USPO, a appelé l'exécutif « à publier sans tarder », les textes manquants. « Les pharmaciens d’officine ont témoigné de leur efficacité et de leur professionnalisme pour vacciner la population contre la grippe et le Covid. Ils sont compétents, disponibles et ont la confiance des patients. Ne perdons plus de temps pour renforcer la couverture vaccinale de la population ! », exhorte le syndicat présidé par Pierre-Olivier Variot.
Pour Philippe Besset, il est possible d'imaginer que des officinaux puissent commencer à vacciner contre les HPV avant septembre 2023. « Les textes permettant aux pharmaciens de prescrire les vaccins vivants et non vivants seront sans doute publiés vers la fin du mois de mars ou au plus tard dans le courant du mois d'avril, précise-t-il. Ensuite, il ne faut pas oublier qu'une formation sera nécessaire pour que les pharmaciens puissent commencer concrètement. Il y a beaucoup d'informations à connaître sur les pathologies, l'épidémiologie, le calendrier vaccinal… Nous ne savons pas encore combien de temps cette formation prendra, peut-être pourra-t-elle s'effectuer sur une seule journée, et dans ce cas on peut espérer que des pharmaciens puissent commencer à prescrire ces vaccins avant le mois de septembre », explique Philippe Besset. « Il serait en effet dommage d'attendre la rentrée, les textes sont en cours de rédaction, donc on peut espérer commencer plus tôt », abonde Pierre-Olivier Variot, qui espère lui aussi que la formation demandée aux officinaux ne sera pas trop longue et ne devienne pas ainsi « un frein ».
Selon Philippe Besset, il n'est pas impossible que les pharmaciens soient par ailleurs mis à contribution pour mettre en œuvre la campagne de vaccination qui sera organisée dans les collèges. « Le ministère de la Santé ne m'a encore rien dit à ce sujet mais l'idée que l'on puisse y contribuer n'est pas impossible. Si on nous le demande, nous pourrions nous mettre à disposition », annonce-t-il. Une éventualité qui ne plaît pas à Pierre-Olivier Variot en revanche. « Il faudra voir en temps et en heure mais je n'y suis pas favorable. C'est dans son officine que le pharmacien doit vacciner contre le HPV », estime quant à lui le président de l'USPO.
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