Médecin spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’AP-HM (Assistance publique – Hôpitaux de Marseille), Philippe Brouqui accueille très favorablement l’élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens, infirmiers et sages-femmes. Car, explique-t-il, plus il y aura de professionnels qualifiés pour vacciner, plus il y aura de chances d’améliorer les couvertures vaccinales. D’autant, ajoute-t-il, qu’il manque des médecins dans de nombreux territoires. L’idée de partager cette mission entre des professionnels de santé différents lui paraît aussi de bon augure, « parce qu’on ne voit pas les mêmes patients ». Et de citer le cas de sa femme, sage-femme, qui vaccine beaucoup plus de femmes enceintes contre la grippe qu’un gynécologue, de par la relation différente qui se met en place avec la patiente.
Alors que les pharmaciens vont pouvoir commencer à administrer les vaccins à partir du 7 novembre, et à les prescrire en janvier prochain, il compte sur leur engagement pour améliorer certaines couvertures vaccinales, en particulier en ce qui concerne les papillomavirus humains (HPV). Selon l’Académie nationale de médecine, le taux de couverture vaccinale en 2020, en Europe, dépassait les 50 % dans 20 pays, et même 75 % dans 11 pays, alors qu’elle atteignait 28 % en France. L’amélioration enregistrée en 2021 est nette mais insuffisante : 41 % (45,8 % pour les filles et 6 % pour les garçons). Un niveau qui reste, insistent les académiciens, « très éloigné des objectifs fixés par la stratégie nationale de santé sexuelle et le plan cancer : 60 % chez les adolescentes âgées de 11 à 19 ans en 2023 et 80 % à horizon 2030 ».
Philippe Brouqui rappelle que le but est « d’éradiquer le cancer du col de l’utérus et de réduire l’incidence et la mortalité des autres cancers induits par les HPV, à savoir les cancers de la vulve, du vagin, de l’anus et du pénis ». Pour autant, prévient l’infectiologue, la difficulté est de convaincre alors même que le sujet est délicat. « La vaccination est efficace surtout si on arrive à fabriquer des anticorps avant la contamination. C’est la raison pour laquelle il faut vacciner avant les premiers rapports sexuels. »
Un discours bien rodé
De même, Philippe Brouqui dénonce une « véritable catastrophe » de la couverture vaccinale contre le pneumocoque, hors enfants de moins de 2 ans chez lesquels cette vaccination est devenue obligatoire en 2018. Malgré les recommandations chez les patients chroniques et les personnes de 65 ans et plus, les taux de couverture n’atteignent pas même 10 %. « Les pharmaciens ont l’avantage de voir régulièrement les patients chroniques, ils pourront remettre la vaccination sur le tapis fréquemment. » L’infectiologue appelle aussi les officinaux à porter attention à la vaccination contre les méningocoques, afin de réaliser le rattrapage des enfants et adolescents qui n’ont pas été soumis à l’obligation vaccinale mise en place en 2018 quant au méningocoque C, et d’immuniser contre les méningocoques A, C, W, Y les personnes partant en pèlerinage à Mecque.
Dans tous les cas, prévient-il, « la vaccination ce n’est pas que l’acte, c’est aussi la prescription – et la responsabilité associée – dans un but de prévention individuelle ou de santé publique ce qui exige de bien connaître son sujet ; c’est également de l’organisation parce qu’il faut identifier les publics cibles, puis convaincre, ce qui demande du temps et un discours bien rodé ». Mais le pharmacien a des atouts pour contribuer à l’amélioration des couvertures vaccinales et pourra goûter, comme pour les vaccinations grippe et Covid, la satisfaction tirée de « cet énorme service rendu de protéger les gens ».
* D’après l’étape marseillaise sur la vaccination du « Tour de France de la FSPF » consacrée à la convention pharmaceutique, le 10 octobre.
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