Pour avoir refusé la dispense d’avance de frais à deux personnes en ALD, dont l’un bénéficiant de l’AME, un pharmacien est poursuivi par l’Ordre en chambre disciplinaire. Le Défenseur des droits, qui a alerté l’instance ordinale, y voit de la discrimination fondée sur la situation précaire et sur l’origine étrangère des deux personnes, qui étaient en plus des enfants.
Une « employée de pharmacie » a refusé le tiers-payant à deux bénéficiaires de l’ALD, mineurs à l’époque des faits, au motif qu’ils n’avaient pas, selon elle, de droits ouverts, rapporte le Défenseur des droits qui, alerté le même jour (en février 2020) de ces deux évènements distincts, a saisi le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ainsi que la section E. L’affaire étant en cours, l’histoire ne dit pas où ni quand les faits se sont exactement produits.
Le premier fait concerne un enfant né en 2009 originaire des Comores et bénéficiant de l’Aide médicale de l’État (AME). Pour justifier son refus, l’employée de pharmacie affirme que la mère de l’enfant n’avait pas présenté « sa carte AME », version soutenue par le pharmacien gérant de l’officine à l’époque des faits. Or, la mère affirme avoir présenté une attestation de droits. L’employée a également précisé « rechercher dans un tel contexte, l’ouverture de droits sur les plateformes de l’assurance-maladie. Toutefois, elle n’a pas précisé explicitement avoir effectué une telle recherche pour vérifier les droits de [l’enfant] », rapporte le Défenseur des droits.
Dans le deuxième cas, il s’agit d’une mineure non accompagnée originaire du Congo, née en 2004, accueillie par une famille d’accueil thérapeutique à la suite d’une évacuation sanitaire, et affiliée à la sécurité sociale. Selon l’employée de pharmacie, seule « une attestation d’hospitalisation (sans numéro de sécurité sociale, il me semble) » aurait été présentée. La pharmacie aurait aussi, « quelques jours auparavant », vérifié l’ouverture de droits pour l’adolescente sur les plateformes Ameli et ADRi, « lesquelles auraient indiqué ‘bénéficiaire inconnu’ », note le Défenseur des droits.
Interrogée par l’instance, l’assurance-maladie a de son côté confirmé l’ouverture des droits pour les deux patients, ainsi que la conformité des attestations de droits présentées à l’époque des faits.
« Nous proposons toujours, pour les personnes non à jour de leurs droits ou en manque temporaire de documents, de nous laisser un chèque de caution (qui n’est bien sûr, pas encaissé). Cela a été refusé dans les deux cas que vous évoquez », a aussi justifié le gérant de l’officine. Qui a visiblement aggravé son cas : le Défenseur des droits apparente cette proposition à « une dissuasion financière pour la personne bénéficiaire de l’AME, constitutive d’une discrimination ». Et dans le cas de l’enfant bénéficiaire de l’AME, l’argument du pharmacien estimant que « les traitements demandés n’étaient pas des urgences vitales comme ces personnes le laisse (sic) à penser » n’est pas du tout du goût du Défenseur des droits, qui conclut, dans les deux cas, que les refus de tiers-payant pour « des médicaments auxquels ils avaient droit » revêtent « un caractère discriminatoire, fondé sur la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique et sur leur origine », prohibé par la loi. Fait aggravant : ce sont des enfants.
Dans sa décision diffusée par l’Ordre des pharmaciens, le Défenseur des droits rappelle l’interdiction « de toute forme de discrimination en matière de santé et d’accès aux soins » et « l’intérêt supérieur de l’enfant ». L’Ordre a engagé des poursuites disciplinaires contre le pharmacien.
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