LE DRAPEAU n’est pas encore au rouge. Mais l’avis de tempête n’est pas loin. Tandis que les négociations sur la mise en place d’honoraires de dispensation n’ont toujours pas abouti (voir encadré), l’assurance-maladie vient de présenter une série de propositions dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014. Sans surprise, malheureusement, la CNAM*, envisage encore d’aller puiser quelques économies du côté du poste Médicament. Elle compte ainsi dégager quelque 750 millions d’euros d’économies, en baissant notamment les prix de la spécialité Lucentis, des statines et des anticoagulants. Les tarifs de certains dispositifs médicaux pourraient aussi être revus à la baisse, selon l’organisme payeur, qui préconise également d’accentuer les mesures de maîtrise médicalisée (diminution des prescriptions de traitements onéreux et développement des génériques). Économies attendues : 600 millions d’euros supplémentaires. Il ne s’agit pour le moment que de recommandations, mais elles sont généralement suivies par le gouvernement. Certes, les pharmaciens étaient prévenus, le CEPS** ayant déjà annoncé que le poste médicament serait mis à contribution à hauteur d’un milliard d’euros en 2014. Mais beaucoup espéraient que des solutions économiques auraient été trouvées d’ici là. Or la prochaine réunion de négociations avec l’assurance-maladie n’est fixée que le 17 septembre. Le timing est serré si l’on veut que des mesures soient insérées au prochain PLFSS qui sera examiné à l’automne.
La main de Leclerc.
À ces mauvaises nouvelles, s’en ajoute une autre. En effet, on pensait l’idée d’autoriser la vente de médicaments en grande surface définitivement enterrée. Pas du tout. Après les rapports Attali, Beigbeder ou Rochefort, c’est au tour de l’Autorité de la concurrence de relancer le projet. Après avoir poussé à la vente de médicaments sur Internet, l’instance s’interroge aujourd’hui sur l’intérêt de mettre fin au monopole officinal sur les spécialités non remboursables. Mais pas au monopole pharmaceutique. En clair, elle serait plutôt favorable à ce que certaines spécialités soient vendues en grande surface sous le contrôle d’un docteur en pharmacie. La main de Michel-Edouard Leclerc n’est pas loin… Plus précisément, alors qu’elle est en pleine enquête sectorielle sur la filière du médicament, l’Autorité de la concurrence a livré un premier rapport d’étape, mercredi dernier, afin de le soumettre à la consultation publique. Bien que l’Autorité formule l’idée de manière interrogative et que son président, Bruno Lasserre, affirme ne pas avoir la réponse à l’heure actuelle, la suggestion de vendre des médicaments hors des officines fait l’effet d’un soufflet. Mais pourquoi relancer le débat aujourd’hui ? Parce que l’Autorité de la concurrence constate « des écarts de prix de 1 à 4, sur les mêmes médicaments entre différentes pharmacies », dont les consommateurs peuvent difficilement être informés puisque « les pharmaciens n’ont pas le droit de faire de la publicité », la disponibilité de médicaments en libre accès reste « faible » et « l’affichage des prix n’est pas toujours parfait ».
Des remises déguisées.
L’instance s’interroge également sur d’autres pratiques. « Nous avons le sentiment qu’il existe peut-être des ententes entre laboratoires pour adopter des stratégies communes de négociation des prix avec les autorités de santé. Nous observons aussi, en France et ailleurs, des stratégies subtiles pour retarder l’arrivée des génériques. » Des pratiques qui constitueraient des obstacles à la maîtrise des comptes sociaux. Enfin, le prérapport soulève la question de « remises déguisées, pour reprendre l’expression utilisée par l’IGAS », relate Éric Cuziat, responsable de l’un des services de concurrence de l’Autorité. « Des laboratoires offrent un niveau de remises qui va bien au-delà des remises légales lorsque le pharmacien procède à un achat couplé génériques-médicaments sans ordonnance. Cette pratique pourrait partiellement expliquer les écarts de prix de 1 à 4 constatés sur les médicaments sans ordonnance. On se pose aussi la question de savoir si ces mêmes remises sont répercutées sur le générique et si elles bénéficient à l’assurance-maladie. » Une question en entraînant une autre, Éric Cuziat se demande également si le prix du générique n’est pas, in fine, trop élevé en France… « C’est un rapport de plus qui repose sur une approche économique et qui oublie que l’on n’a pas affaire à des produits de consommation courante, mais à des médicaments », déplore Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « L’Autorité de la concurrence remet en question notre capacité à négocier », s’inquiète Gilles Bonnefond. Or, estime le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), « si on retire aux pharmaciens la possibilité d’acheter, on les tue ».
**Comité économique des produits de santé.
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