DÉBUT FÉVRIER, le ministre de la Santé demandait à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de se pencher sur la situation économique des officines. L’objectif, étudier les solutions possibles d’évolution du mode de rémunération des pharmaciens. Mais l’enquête est plus large. Au-delà de la rémunération, les inspecteurs sont également chargés par Xavier Bertrand d’identifier de nouveaux services et de s’intéresser à la restructuration du réseau. Devant l’ampleur du chantier qui s’ouvre, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a décidé de sonder la profession « afin de construire un argumentaire reflétant réellement ses aspirations ». Pendant près d’une semaine, une enquête issue du questionnaire adressé par l’IGAS aux représentants de la profession a donc été mise en ligne sur le site de la FSPF. La participation est un succès, se félicite d’emblée le président de la FSPF, Philippe Gaertner. Plus de 2 700 titulaires y ont en effet répondu.
Premier enseignement : pas moins de 97 % des pharmaciens considèrent que la situation économique des officines s’est dégradée (54 %), voire s’est très dégradée (43 %). « La perception de la situation est aujourd’hui très fortement négative », commente Philippe Gaertner. Pour les officinaux, les trois principaux facteurs qui ont fait passer les comptes dans le rouge sont la baisse de la marge (86 % des réponses), les conditionnements trimestriels (81 %) et les déremboursements (71 %). Dans une moindre mesure, ils pointent la baisse d’activité (57 %), la réduction des délais de paiement auprès des fournisseurs (54 %) et l’augmentation des charges (52 %). « Les charges ne suivent pas les recettes », analyse le président de la FSPF. Enfin, l’endettement n’arrive qu’à hauteur de 28 %, ce qui signifie, selon Philippe Gaertner, que les pharmaciens estiment qu’il s’agit avant tout d’un contexte structurel. Les prix de cession des officines ? Un tiers les juge trop élevé, un tiers élevé et un dernier tiers normaux. « Compte tenu de la dégradation de l’économie de l’officine, le pharmacien se rend compte qu’il n’a plus la capacité à rembourser une acquisition », explique le président de la FSPF. La mauvaise santé du secteur a également des répercussions sur la gestion du personnel. Si deux tiers des répondants pensent pouvoir maintenir l’effectif de leur officine, un tiers envisage de réduire l’équipe, tandis que seulement 2 % projettent d’embaucher.
L’enquête de la FSPF confirme aussi que certains marchés de l’officine n’ont pas tenu leurs promesses. La mise en place du libre accès, par exemple, n’a pas su booster les ventes de médicaments OTC. En effet, l’immense majorité des pharmaciens (89 %) des pharmaciens n’ont pas perçu de réels effets sur leurs ventes : 28 % ont constaté une faible progression, 58 % aucun changement et 3 % ont même observé une diminution.
Non à la vente à distance.
Pas convaincus par la mise devant le comptoir de certains médicaments, les pharmaciens sont également très réservés quant à la perspective de la vente à distance de spécialités. Plus de 9 sur 10 se disent ainsi défavorables à la commercialisation de médicaments sur Internet. De même, 85 % se déclarent plutôt contre les stratégies de concurrence sur les prix envisagées par certaines enseignes ou groupements. En revanche, les titulaires voient d’un assez bon œil celles qui reposent sur la qualité et le service. « Les pharmaciens sont prêts à faire évoluer la qualité et considèrent que la différenciation se fera autour de ce thème », indique Philippe Gaertner.
Les titulaires semblent également prêts à renforcer leurs compétences. Une majorité d’entre eux ayant répondu au questionnaire estime ainsi que la formation initiale doit être modifiée et considère que la formation continue doit être rendue obligatoire. « La formation permet le maintien de la valeur du diplôme dans le temps et la justification du monopole », affirme Philippe Gaertner. Sur le plan des nouvelles missions, une grande majorité pense qu’il sera difficile pour les titulaires de participer à l’éducation thérapeutique des patients, celle-ci supposant qu’ils s’absentent de leur officine.
L’enquête de la FSPF met également en exergue des points à améliorer. Au sujet du fonctionnement du dossier pharmaceutique (DP) d’abord : seulement 20 % des pharmaciens savent que, dès lors qu’un DP est constitué, il est consulté systématiquement lors de la dispensation. Dans le domaine de la pharmacovigilance, ensuite, la charge de travail liée à un signalement semblant élevée : 61 % des titulaires l’évaluent entre 30 minutes et plus d’une heure. « Je crois qu’il faut arriver à simplifier le dispositif », estime ainsi Philippe Gaertner. Enfin, des efforts sont aussi à faire dans les relations entre la ville et l’hôpital. Ainsi, même si la fréquence avec laquelle le pharmacien intervient auprès du médecin au sujet d’une prescription n’est pas très élevée (de l’ordre d’une sur 10 selon l’enquête), l’affaire se complique lorsque l’ordonnance émane de praticiens hospitaliers. En effet, 9 pharmaciens sur 10 les jugent peu joignables, contrairement aux médecins de ville, disponibles pour 8 pharmaciens sur 10.
« Le fort taux de réponse montre que les pharmaciens sont actuellement préoccupés, conclut Philippe Gaertner. Ils ont la volonté de fournir aux structures syndicales les données leur permettant d’avoir une perception juste de la profession. Pour moi, cette volonté correspond à un vrai soutien des pharmaciens à l’action syndicale. » L’ensemble des réponses doit être transmis dans la semaine aux services de l’IGAS.
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