La direction générale de la santé a annoncé, au détour du DGS-Urgent n° 2024-05 du 23 avril sur les précommandes de vaccins antigrippaux, le retrait du marché du vaccin quadrivalent haute dose Efluelda « dans les prochaines semaines », sans plus d’explications. La raison ? Son prix.
« À l’occasion du renouvellement des conditions d’accès en France du vaccin hautement dosé contre la grippe Efluelda pour l’année 2024, les autorités ont décidé d’établir son nouveau prix à un niveau inférieur aux coûts de production et de distribution de ce vaccin », explique le laboratoire Sanofi dans un communiqué de presse. En pharmacie, Efluelda est vendu 30,90 euros (prix hors honoraires de dispensation), contre 11,75 euros pour les vaccins quadrivalents à dose standard (VaxigripTetra, InfluvacTetra…).
La HAS pas emballée
Dans ses dernières recommandations qui datent de 2020, la Haute Autorité de santé (HAS) n’avait pas reconnu de supériorité pour ce vaccin réservé aux personnes âgées et avait estimé qu’il pouvait être utilisé « au même titre que les autres vaccins grippaux. » Pour l’instance, le bénéfice additionnel d’Efluelda sur la réduction des cas de grippe et des hospitalisations associées par rapport aux vaccins trivalents à dose standard est « modeste ». Quant à son bénéfice par rapport aux vaccins tétravalents disponibles, notamment sur son efficacité clinique et le ratio coût-efficacité d’une vaccination par Efluelda chez les plus de 65 ans, il n’est pas démontré, faute de données comparatives. « Enfin, ce vaccin induit une réactogénicité accrue par rapport aux vaccins trivalents dose standard à type de douleurs au point d’injection, érythèmes, gonflements ou encore de myalgies et céphalées sans toutefois observer d’augmentation des effets indésirables graves », observe la HAS.
Sanofi fait valoir sa production et ses investissements dont 250 millions d’euros investis en Normandie, afin d’y assurer une partie de la production d’Efluelda pour servir la France et l’Europe
Des sociétés savantes ont un tout autre avis, à commencer par la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) qui a toujours recommandé Efluelda en première intention chez les plus de 65 ans. « La supériorité du vaccin haute dose Efluelda en termes d’efficacité vis-à-vis des personnes âgées de + de 65 ans a été prouvée par plusieurs études cliniques », argumente la SFGG, énumérant ses avantages : une immunogénicité équivalente par rapport au trivalent haute dose contre les trois souches communes et un effet supérieur contre la souche B ; une réduction relative des cas de grippe virologiquement confirmés de 24,2 % ; une réduction des hospitalisations pour grippe et des affections respiratoires ou affections cardiovasculaires observées aux États-Unis chez les personnes âgées, variant de 8 % à 27 %. Quant à la tolérance, la SFGG met en avant « un profil satisfaisant du vaccin Efluelda, avec une réactogénicité accrue du vaccin par rapport aux vaccins à dose standard tant locale que systémique mais sans augmentation des effets indésirables ayant un caractère de gravité. »
« Il y a aussi les données en vie réelle issues du Danemark qui confirme cette supériorité. Les autorités françaises n’ont pas regardé non plus la baisse de la perte d’autonomie associée, la baisse des infarctus du myocarde et les complications associées », complète le Pr Gaetan Gavazzi, gériatre et infectiologue au CHU de Grenoble Alpes.
Sanofi, lui, fait valoir sa production et ses investissements sur le sol français, dont 250 millions d’euros investis sur son site de Val de Reuil, en Normandie, « pour y construire la plus grande unité de production d’Europe de vaccins contre la grippe et y assurer une partie de la production d’Efluelda pour servir la France et l’Europe. » Des efforts qui ne sont pas encore pris en compte dans les discussions économiques. « Il est vital pour le système de santé et pour les patients que des changements concrets soient mis en œuvre, à commencer par exemple par l’application des mesures votées en 2021 par le Parlement pour prendre en compte la production en France dans la fixation du prix des vaccins et médicaments », déplore Charles Wolf, directeur général vaccins France chez Sanofi.
Efluelda représente un mode de prévention très efficace à titre individuel et collectif auprès de la population âgée, population particulièrement à risque dans les épidémies de grippe
Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG)
Une aberration
En pleine semaine européenne de la vaccination, l’annonce des autorités françaises fait tache. « Face caméra, le gouvernement assure tout mettre en œuvre pour garantir l’accès aux produits de santé ; dans les faits, il s’entête dans une politique tarifaire toujours plus restrictive et dans un paradigme de santé à bas coût », lance la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) dans un communiqué de presse acide. En conséquence, « la commercialisation de ce vaccin, quatre fois plus dosé que le vaccin classique et indiqué pour les personnes les plus à risque, va s’arrêter faute de rentabilité. Les pharmaciens qui passaient commande auprès de Sanofi vont devoir trouver des produits alternatifs, faisant planer le risque de tensions d’approvisionnement. Les patients, notamment les plus âgés, se verront, eux, privés du vaccin offrant le meilleur service médical », résume la FSPF.
Même colère du côté des gériatres. « Efluelda représente un mode de prévention très efficace à titre individuel et collectif auprès de la population âgée, population particulièrement à risque dans les épidémies de grippe », rappelle la SFGG qui y voit « une aberration » et s’inquiète du « lourd tribut que vont, une nouvelle fois, payer les personnes âgées. »
11 000 officines avaient déjà passé leurs précommandes de vaccin Efluelda pour la prochaine campagne de vaccination grippe. Sanofi remplacera les doses commandées par VaxigripTetra. Pour le laboratoire, si les discussions pour la saison 2024-2025 sont définitivement closes, l’espoir réside toujours pour la saison suivante, avec la réévaluation des recommandations sanitaires qui pourraient basculer vers des vaccins trivalents, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’hémisphère nord.
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