L'arrivée des premiers rayons de soleil est un élément important à considérer chez les patients qui prennent des médicaments photosensibilisants, que ce soit par voie générale ou locale. D'où l'intérêt de connaître les principaux médicaments photosensibilisants systémiques (antibiotiques, diurétiques, antihypertenseurs, antiarythmiques, IEC, sartans, antipsychotiques, antidépresseurs, anxiolytiques, antiépileptiques, anti-ulcéreux, hypolipémiants, hypoglycémiants, anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.) et de contact (antiseptiques topiques, médicaments topiques, fongicides, etc.) Voir la liste des médicaments photosensibilisants systémiques et de contact sur le site de la Société française de dermatologie*. Les mécanismes de photosensibilisation répondent à deux types de réaction : la réaction phototoxique et la réaction photoallergique.
La réaction phototoxique se manifeste par un coup de soleil
La phototoxicité correspond à la survenue d'une réaction cutanée de type coup de soleil (brûlure), liée à une dose de médicament dans le sang circulant suffisante pour déclencher cette réaction après exposition au soleil.
Autrement dit, explique le Pr Jean-Luc Schmutz (Département de Dermatologie et allergologie, CHRU de Brabois à Nancy), « n'importe quelle personne peut faire une réaction phototoxique à partir du moment où circule cette dose toxique de médicament dans le sang. C'est ainsi qu'on voit régulièrement des patients chez qui des médicaments photosensibilisants ont été prescrits à l'automne, sans aucun problème durant tout l'hiver. Puis, au printemps, à l'occasion d'un rayon de soleil, survient une réaction phototoxique sur les zones découvertes du corps. C'est la localisation de cette dermatose sur les parties découvertes du corps qui permet d'évoquer le diagnostic. »
La réaction photoallergique est une réaction de type eczéma
Comme pour les autres médicaments, certaines personnes sont allergiques, d'autres ne le sont pas. Dans le cas de la photoallergie, le soleil (rayonnements UVA et UVB) est nécessaire – notamment les UVA, plutôt incriminés dans les problèmes de photoallergie.
En pratique, précise le Pr J.-L. Schmutz, « la réaction photoallergique va concerner une personne sur 1 000 ou 10 000 selon le médicament, et elle ne se manifeste plus sous forme d'un coup de soleil mais d'une réaction de type eczéma. Il s'agit donc d'un mécanisme immunologique différent de la réaction phototoxique, qui est une brûlure. »
Néanmoins, si le mécanisme entre réaction phototoxique et photoallergique est différent, il n'en reste pas moins que l'atteinte cutanée va se localiser aux mêmes endroits, c'est-à-dire sur les parties du corps découvertes et, donc, photoexposées.
À la question de savoir quels sont les médicaments les plus susceptibles d'entraîner une réaction photoallergique, le Pr J.-L. Schmutz précise que « même si on connaît des médicaments plus photoallergisants que d'autres, quasiment tous les médicaments, à un degré plus ou moins prononcé, peuvent entraîner des photoallergies, car chacun réagit à sa façon à un médicament donné. »
En définitive, soit la personne est allergique (allergie simple) au médicament, soit le soleil est nécessaire pour que la personne fasse une réaction photoallergique à ce médicament.
Le risque de photoallergie avec les médicaments par voie locale
Des réactions photoallergiques peuvent également survenir après application de médicaments par voie locale, le kétoprophène en tête de liste. Néanmoins, souligne le Pr J.-L. Schmutz, « la réaction ne survient pas obligatoirement sur les zones du corps photoexposées, mais à l'endroit précis où a été appliqué le produit, après une exposition au soleil absolument nécessaire pour déclencher la réaction photoallergique. La réaction est purement locale au tout début, mais a tendance à s'étendre, voire se généraliser avec survenue de lésions graves. »
[[asset:image:1841 {"mode":"full","align":"center","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Le mécanisme de photoallergie dépend donc clairement de l'énergie des UVA et des UVB, mais il est important de connaître les principaux produits locaux photosensibilisants (cf. liste des médicaments photosensibilisants de contact), même s'ils sont de moins en moins nombreux actuellement. À cet égard, observe le Pr J.-L. Schmutz, « le Phenergan® est toujours commercialisé alors que la phénothiazine est connue pour être assez allergisante. Il est même possible qu'une réaction photoallergique survienne avec les produits des écrans solaires, ce qui est rare mais peut survenir alors que la personne pense protéger sa peau et a tendance à réappliquer une couche, ce qui va aggraver la photodermatose. »
[[asset:image:1846 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]][[asset:image:1851 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]La prévention de base vise à se protéger du soleil
Il est important que les médecins généralistes, ainsi que les pharmaciens, disposent de la liste des médicaments photosensibilisants et préviennent les patients qui prennent des médicaments photosensibilisants de se protéger du soleil.
- Une règle élémentaire est de se mettre à l'ombre et de ne pas s'exposer au soleil de façon continue.
- La meilleure protection est vestimentaire (port de casquette, chemise à manches longues, pantalon) avec application quotidienne d'une bonne dose d'écran solaire à indice 50 + (indice le plus élevé), à renouveler plusieurs fois par jour sur les parties découvertes (a fortiori si la personne est en short et en tee-shirt).
Un traitement simple et efficace
Ainsi que le conseille le Pr J.-L. Schmutz, « le meilleur traitement en cas de réaction phototoxique ou photoallergique est l'application d'un dermocorticoïde de niveau 2 (type diprosone) localement, une à deux fois par jour au début. La réaction s'amende en général au bout de 8 jours. Sans oublier l'application de soins de réparation en complément. La mise à disposition récente de soins de réparation contenant un écran solaire s'avère très utile en période estivale et permet d'éviter le risque de pigmentation des plaies, brûlures et blessures. »
Si la personne a absolument besoin de son traitement, ce sont les règles de prévention qui prédominent. Mais il peut être nécessaire de changer de médicament ou de classe thérapeutique sous peine de réactions importantes : en effet, lorsqu'une réaction photoallergique survient lors de la prise d'un médicament suivie d'une exposition solaire, cette réaction se répétera lors de la poursuite du traitement avec risque élevé de réactions plus graves.
Enfin, plus on vieillit, plus on augmente la probabilité de prendre des médicaments (antihypertenseurs, diurétiques, hypolipémiants...) et, donc, plus le risque d'absorber des médicaments photosensibilisants est important.
C'est ainsi que les retraités qui ont davantage l’opportunité d'être en extérieur (loisirs, jardinage, ballades...) sont plus exposés non seulement au risque de cancer de la peau, mais aussi au risque de photosensibilisation aux médicaments. Et, ajoute le Pr J.-L. Schmutz, « des études ont également montré que ce sont précisément les personnes qui prennent des médicaments photosensibilisants qui seraient les plus exposées au risque de cancers dix à vingt ans plus tard. »
D'où l'intérêt de se protéger contre les effets immédiats du soleil, mais également à moyen terme, contre le vieillissement cutané et, à long terme, contre les cancers.
Dr Martine ANDRÉ
d'après un entretien avec le Pr Jean-Luc SCHMUTZ, Département de dermatologie et allergologie, CHRU de Brabois à Nancy, et président de la Société Française de Photodermatologie.
* Liste des médicaments photosensibilisants systémiques et de contact, mise à jour en mai 2011, sur le site de la Société Française de Dermatologie : http://www.sfdermato.org/
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