Président de la section D du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Jérôme Parésys-Barbier le concède sans difficulté. « Dans mon entourage, je connais peu d'adjoints qui se sont spécialisés sur la e-santé. Il faut lancer un appel aux titulaires et aux adjoints qui utilisent avec succès la e-santé dans leurs officines pour qu'ils partagent leurs expériences et donnent envie aux autres de s'y mettre. »
Un constat que partage Gilles Braud, docteur en pharmacie et responsable du département « mieux vivre connecté » chez Dekra Certification. « L'officine reste en retrait sur la e-santé. Il y a encore un travail d'acculturation à faire, notamment chez les adjoints pour qu'ils puissent donner des conseils aux patients sur ce sujet. Aujourd'hui, on voit que de nombreux patients diabétiques ont déjà utilisé une application qui les aide à gérer leur pathologie. Souvent ils ont eu connaissance grâce à leur réseau ou par une association de patients, mais très rarement grâce à leur pharmacien. »
Pourtant, comme le résume Jérôme Parésys-Barbier, les outils numériques doivent pleinement s'intégrer dans les missions du titulaire ou de l'adjoint, au-delà du dossier pharmaceutique ou de la e-CPS. « Aujourd'hui, on ne peut pas imaginer que le pharmacien ne soit pas au cœur du parcours de soins et il nous faut donc les technologies adaptées. Sur ce sujet, les titulaires peuvent faire confiance à leurs adjoints. On peut facilement imaginer qu'un titulaire délègue à son adjoint la gestion du site Web de son officine par exemple, car cela requiert l'expertise d'un pharmacien. De leur côté, les adjoints doivent également être force de proposition », ajoute Jérôme Parésys-Barbier.
Sélectionner des applications selon ses compétences
Pour Gilles Braud, l'adjoint a effectivement un rôle clé à jouer dans le développement de la e-santé au comptoir. « L'adjoint peut par exemple identifier un patient non-observant et l'orienter vers une application qui pourrait l'aider. Cela fait pleinement partie du métier et du conseil et cela peut également être très utile pour fidéliser la patientèle. Le titulaire ayant mille et une choses à faire, l'adjoint peut trouver des solutions afin de mieux intégrer le digital à l'officine. » Autre conseil que Gilles Braud souhaiterait donner aux adjoints, utiliser la e-santé en fonction des compétences déjà acquises. « L'adjoint suit souvent des DU ou des formations, dans des secteurs spécifiques. Il peut essayer de sélectionner des applications dans la sphère thérapeutique qu'il maîtrise le mieux. Il ne faut pas chercher à tout faire, sinon on ne fera rien », analyse-t-il.
Jérôme Parésys-Barbier estime toutefois que si l'adjoint peut bien être une source d'information précieuse pour le patient en matière de e-santé, il convient de délivrer ces conseils avec une certaine rigueur. « Concernant les applications santé sur smartphone, j'estime que le conseil ne peut se faire que dans le cadre d'un entretien. Cela doit être formalisé, on ne peut pas juste en parler comme ça au milieu d'une discussion au comptoir. L'un des leviers pour développer la e-santé c'est bien sûr l'apprentissage de ces dispositifs au cours du cursus des études. À ma connaissance, ce sujet n'est pas encore très souvent évoqué à l'université. Développer des formations est également essentiel », estime-t-il en outre.
Du changement avec Mon espace santé ?
Comme le rappelle Gilles Braud, le manque de confiance envers les applications en santé est également l'un des principaux freins à leur utilisation par les professionnels de santé. « Beaucoup d'entre elles n'offrent pas un degré suffisant en termes de sécurité sur la protection des données. La question que l'adjoint peut se poser avant d'en recommander une c'est " est-ce que l'éditeur à pignon sur rue ? " On a naturellement moins confiance envers un éditeur basé à l'autre bout du monde. Il faut aussi regarder si l'application fait l'objet de mise à jour régulière, si la dernière date d'il y a 4 ans ce n'est pas bon signe. »
La généralisation de Mon espace santé, officiellement lancé il y a quelques semaines, pourrait servir d'accélérateur au développement de la e-santé en France. « Je pense que l'on va changer d'ère avec Mon espace santé, veut croire Gilles Braud. Le store (qui doit être opérationnel au deuxième semestre 2022) recensera des applications choisies sur des critères éthiques. Les patients poseront des questions au comptoir, il faut que l'adjoint soit en capacité d'y répondre. Il faut être en capacité d'anticiper la demande. Si le pharmacien ne prend pas ce sujet à bras-le-corps, d'autres, comme les géants du numérique, le feront à sa place », alerte Gilles Braud.
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