- C'est bien de faire le sapin malgré tout ce qui nous arrive… ça met du baume au cœur.
Attirée par la voix du patient, Marilyne relève la tête, une boule dorée dans la main :
- Monsieur André ! C'est Monsieur André ! Qu'est-ce que ça fait plaisir de vous revoir !
- Merci Mademoiselle. Je vais très bien. Comme vous pouvez le voir, je me suis complètement remis de mon infarctus (Monsieur André a été victime d'un malaise au cours de l'été, dans les locaux de la Pharmacie du Marché - Épisode 66). Le médecin m'a dit de ne pas m'énerver, alors je suis son conseil. Il n'empêche que je lui ai bien fait comprendre que je ne voulais plus de génériques… s'il veut que je conserve mon calme.
- Monsieur André, vous êtes incorrigible. Mais je suis également ravie de vous revoir en si bonne forme, l'interrompt Juliette en s'approchant de lui.
Le vieil homme fait un tour sur lui-même, les bras relevés, pour prouver qu'il va bien.
- Ma petite Juliette, je vous dois tout de même une fière chandelle. Alors si c'est vous qui me les donnez ces maudits génériques, peut-être que…
- C'est surtout Jean-Paul qu'il vous faut remercier. C'est lui qui vous a sauvé la vie, lui répond Juliette. Par contre, si vous le souhaitez, maintenant nous pouvons vous faire un test de dépistage Covid, ajoute-t-elle, taquine (avant son infarctus, Monsieur André s'était énervé parce qu'on ne pouvait pas le tester alors que les médias l'avaient annoncé).
- Mais j'y compte bien, renchérit le septuagénaire.
Alors qu'il avance vers le comptoir, il rencontre la jeune apprentie, Lou, chargée d'un carton de décoration. Elle éclate en sanglots.
- Mademoiselle, ne pleurez donc pas ! Je vais bien, regardez…
Lou, toujours très émotive, ne peut contenir ses larmes en voyant le vieil homme en si grande forme. La dernière fois qu'elle l'a vu, il était sur un brancard, entre la vie et la mort.
Près de la porte d'entrée de la pharmacie, Juliette salue Mme Ducrois qui vient d'entrer.
- Ah, Juliette. Avez-vous reçu notre vaccin contre la grippe ?
- On doit les recevoir cette semaine normalement, jeudi. Nous sommes prudents vis-à-vis des dates, parce qu'il y a parfois des différences entre ce qu'on nous dit d'un côté et ce qu'on nous dit de l'autre. De toute façon Madame Ducrois, nous vous appellerons et nous en mettons deux de côté. Pour vous et pour votre mari.
- Merci. La grippe est arrivée ?
- Non, rassurez-vous. Pas de grippe à l'horizon pour le moment.
- Et nous pourrons vous demander de nous vacciner contre le Covid ?
- Ah ça, pour le moment, je ne sais pas. On ne sait pas grand-chose à ce sujet. Sachez quand même que vous serez prioritaire.
- Moi j'aime bien quand c'est vous qui me piquez. Je n'ai pas mal du tout. Vous nous réserverez les vaccins alors ?
- Contre le Covid ? Comme je vous l'ai dit, on ne sait pas encore comment ça va s'organiser, ni même si la délivrance de ce vaccin sera confiée aux pharmaciens. Mais nous vous tiendrons au courant pour ça aussi. Et au fait, Madame Ducrois…
Juliette hésite puis se ravise. Dans un mois, elle doit quitter la pharmacie du Marché pour devenir titulaire. Elle n'a informé aucun patient. Elle ne sait pas comment leur dire qu'une page de sa vie se tourne…
(À suivre…)