Cette histoire de baume commence par celle d’un amour contrarié. Atlacatl (†1528), roi nahua de la province de Cuzcatlan (actuel Salvador), avait une fille, Naba, d’une grande beauté. Elle était éperdument amoureuse d’un prince maya, Hoitzi qui partageait sa passion. Tout semblait donc aller pour le mieux, mais voilà : Atlacatl n’entendait pas marier la princesse à un dignitaire d’un peuple ennemi. Hoitzi décida donc de ravir sa belle à la surveillance de son père mais il se fit surprendre alors qu’il approchait du palais du roi dont la garde anéantit sa petite troupe et l’abandonna, agonisant. Naba se précipita pour le secourir, accompagnée de six servantes. Hélas, Atlacatl la reconnut alors qu’elle prenait Hoitzi dans ses bras et tentait de lui donner à boire : ivre de rage, il la transperça sans hésiter avec la pointe de pierre de sa lance, tuant ses servantes avec la même sauvagerie. Le sang des jeunes filles abreuva la terre où - comme le veulent souvent les mythes -, il entraîna la germination et le développement d’un arbre inconnu produisant une résine couleur sang dotée du pouvoir miraculeux de guérir les blessures… L’arbre s’appelle depuis lors « naba » et cette province du Salvador, ouverte sur la côte pacifique de l’Amérique centrale, « Costa del balsamo », la « Côte du baumier ». Cette résine utilisée en thérapeutique par les Indiens méso-américains et, rapidement, par les colons espagnols, connut un succès extraordinaire dans les pharmacopées européennes, sous la désignation plutôt inadaptée de « baume du Pérou » : en fait, elle avait peu de rapport avec ce pays andin si ce n’est qu’une fois récoltée dans les forêts d’Amérique centrale, elle était acheminée au port péruvien de Callao (Lima) où elle était embarquée par les Espagnols qui l’importaient dans l’Ancien-Monde sous le nom de « balsamo de el Salvador », le « baume du Sauveur ».
Un baumier, deux baumes
Le baume du Pérou est une oléorésine produite par un arbre de la famille des Fabacées, Myroxylon balsamum var. pereirae, décrit par le botaniste anglais John Forbes Royle (1798-1858) (et parfois connu d’ailleurs comme Myroxylon pereirae) ; elle livre également par distillation une huile essentielle. Riche en substances aromatiques dont divers terpènes (acide benzoïque, dérivés de l’acide cinnamique, etc.), elle bénéficie de propriétés antiseptique, cicatrisante, antalgique, antispasmodique, antirhumatismale et antiparasitaire mais n’en a pas moins l’inconvénient d’être allergisante ; employée par voie interne comme cela fut parfois jadis le cas, elle induisait des troubles urinaires ou neurologiques. Il était classique, dans les pharmacopées des XVIIe et XVIIIe siècles, de distinguer trois types de baume du Pérou : le baume d’incision, blanc, durci à l’air, le baume sec, obtenu en sectionnant l’extrémité des branches et rougissant par oxydation, et le baume de lotion, noir, obtenu par décoction à chaud des feuilles.
S’il fit longtemps les beaux jours des apothicaires et des médecins, le baume du Pérou reste désormais surtout employé dans l’industrie des parfums tout comme dans l'industrie cosmétique et alimentaire pour son odeur aromatique puissante.
Une précision botanico-médicinale sur le baumier retient l’attention. L’espèce Myroxylon balsamum livre deux résines différentes : sa variété pereira d’Amérique centrale produit le baume du Pérou et sa variété nominale, balsamum, plus méridionale (Colombie, Venezuela) le baume de Tolu, ainsi nommé car le systématicien Linné avait décrit l’arbre comme Toluifera balsamum, en raison de son abondance aux alentours de Tolu, ville située de nos jours dans la province colombienne de Cartagène. Apprécié pour ses propriétés béchique et antiseptique pulmonaire, ce dernier reste utilisé dans la formulation de préparations magistrales ou industrielles utilisées par voie orale.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin