Justice

Cola contre Coca

Par

Publié le 30/03/2021

Article réservé aux abonnés

C’est une histoire de pharmaciens, de bulles et d’argent…

Pot de terre contre pot de fer, la petite entreprise familiale corse de Christophe Mariani doit aujourd’hui faire face, à la barre d’un tribunal, au géant du soda, la Coca-Cola company. Pour comprendre ce procès hors norme, il faut remonter à 1863. Cette année-là, dans son laboratoire parisien, un pharmacien bastiais met au point un vin de coca à base d’infusion de feuilles de cocaïer. Quelques années plus tard, le nom de marque Coca Mariani est déposé. Formule gagnante pour l’apothicaire, puisque sa délicieuse spécialité emporte l’adhésion du public et reçoit les hommages de nombreuses personnalités. Émile Zola, Jules Verne ou encore Colette vantent les mérites de l’élixir miraculeux, jusqu’au Président de la République qui en flatte la saveur unique. Unique, mais pas inimitable… Car de nombreuses copies voient le jour, y compris outre-Atlantique où un autre pharmacien, John Stith Pemberton, revisite la formule corse, tout en lui rendant hommage : ce sera le « French Wine Coca ». La prohibition passe par là qui invite l’apothicaire d’Atlanta à remplacer l’alcool par les bulles. Nous sommes en 1886, le Coca-Cola est né. Les années s’égrainent comme des bulles de soda… En 2014, la société Coca Mariani à l’idée de relancer le vin de coca sur la base d’une nouvelle recette à base de vermantinu - un cépage corse - et du précieux alcool de coca, décocaïnisé, directement importé de Bolivie. Cinq ans plus tard, lorsque l’entreprise sollicite l’Office de l’Union européenne pour déposer la propriété intellectuelle du Coca Mariani, Coca-Cola company s’y oppose. Il y a risque de confusion, s’inquiète le géant américain. « Il faut remettre les choses dans leur contexte, se défend Christophe Mariani, actuel propriétaire de la marque corse. Le docteur Pemberton a copié les vins Mariani et il s’en est même vanté en déclarant : "J’ai copié le meilleur" » Autrement dit, un pharmacien aurait copié un autre pharmacien… Le Coca-Cola ne serait donc qu’un générique raté ?

Didier Doukhan