L’HISTOIRE est de… saison. Infection souvent jugée, à tort, comme bénigne, traitée de façon prophylactique par la vaccination, la grippe ne donna lieu que tardivement à des recherches visant à découvrir des traitements curatifs. Il s’écoula 30 ans entre la découverte de l’origine virale de la grippe humaine en 1933 par trois virologistes du National Institute for Medical Research d’Hampstead, Wilson Smith (1897-1965), Patrick Laidlaw (1881-1940) et Christopher Andrewes (1896-1988) et la synthèse, en 1963, des premiers « antigrippaux ». Ces dérivés de l’adamantane (amantadine et rimantadine) ciblaient un canal ionique (protéine M2) permettant l’acidification des vacuoles membranaire qui facilitent l’entrée du virus dans la cellule. Commercialisés à la fin des années 1970, ils se révèrent peu efficaces. Il devait s’écouler 30 ans encore avant qu’un traitement réellement efficace soit proposé.
Sa découverte emprunta un autre chemin. Il mène à Melbourne, dans le laboratoire de Sir Frank Macfarlane Burnet (1899-1985), où Alfred Gottschalk (1894-1973) avait montré en 1949 que le virus grippal produisait une enzyme, alors appelée Receptor Destroying Enzyme (RDE), dont l’action le libérait des cellules infectées, une fois sa réplication terminée. C’est là qu’un jeune virologiste, Graeme Laver (1929-2008), montra en 1957 que ce RDE était une neuraminidase ayant pour substrat l’acide sialique. Passionné par la grippe, il s’installa sur une île de la Grande Barrière pour échantillonner le sang des oiseaux porteurs du virus. Puis, en 1978, il cristallisa la neuraminidase en concentrant le virus cultivé sur plus d’un millier d’œufs. La structure de cette sialidase fut élucidée par Peter Colman (1944-) à Adélaïde en 1982.
25 000 molécules testées.
Un talon d’Achille en forme de poche. L’examen de l’enzyme révéla son point faible : une poche interne destinée à recevoir l’acide sialique. Imaginant la possibilité d’en bloquer l’accès par un médicament, Laver testa plus de… 25 000 molécules avant de découvrir par hasard que les chimistes autrichiens Peter Meindl et Hans Tuppy avaient synthétisé en 1969 un analogue de l’acide sialique (le « DANA »), capable d’inhiber le RDE mais n’avaient guère poursuivi leurs travaux. Laver testa le DANA sur sa neuraminidase : il épousait parfaitement la cavité de l’enzyme !
Fort de cette observation, il fonda en 1985 une start-up, le laboratoire Biota et s’employa avec le chimiste australien Mark von Itzstein (1959-) à perfectionner le DANA, trop rapidement dégradé dans l’organisme, pour en faire un médicament antigrippal. Ils synthétisèrent ainsi en 1989 une molécule 10 000 fois plus puissante, respectant les neuraminidases humaines : le zanamivir était né. Il fut difficile de convaincre un laboratoire pharmaceutique d’en financer le développement. Finalement, les essais cliniques conduits à partir de 1993 par Glaxo aboutirent à la commercialisation du Relenza.
Parallèlement, le laboratoire californien Gilead développa un concurrent, l’oseltamivir, commercialisé par Roche : le Tamiflu. Pour l’anecdote et même s’il existe désormais d’autres voies de production, le botaniste retiendra que l’acide shikimique, à l’origine de la synthèse de cet antiviral, fut longtemps extrait de la badiane de Chine (Ilicium verum).
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