COMMENT découvrir un antituberculeux si l’on est phobique du bacille de Koch ? Waksman n’approchait ni de près ni de loin les cultures de ce germe. C’est véritablement relégué dans l’« entrepont », éloigné de sept étages, sous son bureau, dans un laboratoire improbable, qu’il consigna l’un de ses doctorants, Albert Schatz (1922-2005), en? lui confiant la mission de découvrir un produit actif contre la tuberculose mais aussi en le priant par avance… de ne rien revendiquer en cas de découverte du médicament ! C’est dans ces conditions singulières que, le 19 octobre 1943, Schatz isola d’un actinomycète, Streptomyces griseus, un produit qui inhibait la croissance du bacille de Koch. Cette « streptomycine » (le premier aminoside!), testée en 1944 à la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) par les pneumologues William H. Feldman (1892-1974) et Horton C. Hinshaw (1902-2000), se révéla très active sur la tuberculose mais aussi sur la brucellose, la typhoïde et de nombreuses autres infections induites par des germes gram négatif.
Né près de Kiev et d’origine ashkénaze, Selman Abraham Waksman (1888-1973), le microbiologiste phobique, avait fui la Russie antisémite en 1910. Il obtint un doctorat en biochimie à l’université de Californie. Naturalisé américain en 1916, il fit carrière à l’université Rutgers (New Jersey) : invité par son ancien mentor, Jakob Goodale Lipman (1874-1939), il y fut nommé professeur assistant en 1925 puis prit la direction du département de microbiologie en 1940. Impliqué, comme l’était à la même époque Robert Dubos, le père de la tyrothricine, dans les antagonismes entre micro-organismes du sol, il avait imaginé un programme ambitieux destiné à découvrir de nouveaux antibiotiques en le centrant toute-?fois sur une mission essentielle : découvrir un antagoniste naturel du bacille de la tuberculose.
Son fils Byron (1919-2012) – qui devint un immunologiste de renom – ne fut pas le dernier à orienter son père dans cette voie car la tuberculose constituait alors l’une des premières causes de déc?ès.
Bataille entre les codécouvreurs.
La streptomycine isolée, son activité prouvée, Waksman profita financièrement d’une collaboration avec le laboratoire Merck, qui produisit dans le New Jersey cet « antibiotique » (le terme fut créé par Waksman lui-même) à l’échelle industrielle alors que le gouvernement refusait de subventionner les travaux sur ce médicament, jugés peu en rapport avec l’« effort de guerre ».
Les relations de Schatz, devenu lui-même universitaire, avec son ancien patron s’envenimèrent : d’un caractère difficile, Waksman (qui, d’ailleurs, se vit plusieurs fois traîné en justice par des collègues) avançait qu’il était à l’origine du programme de recherches et qu’il avait permis le développement de l’antibiotique. Schatz relevait quant à lui qu’il figurait comme auteur principal des premiers articles sur la streptomycine et, surtout, que son nom était mentionné sur le brevet de la découverte. Schatz gagna partiellement le procès qu’il intenta à Waksman en 1950 : le « co-découvreur » de l’antibiotique se vit octroyer 3 % des bénéfices contre 5 % pour Waksman. C’est toutefois le nom de ce dernier qui reste, sans doute un peu injustement, attaché à cette découverte majeure...
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