C’est à Cambridge, en 1940, que le biochimiste Thaddeus R. Mann (1908-1993), attaché au laboratoire de David Keilin (1887-1963) (le « père » des cytochromes), imagina que la chute de la PaCO2 dans le sang occasionnée par les sulfamides antibactériens juste découverts pouvait résulter d’une inhibition de l’anhydrase carbonique.
Cette enzyme, purifiée un an auparavant dans ce même laboratoire à partir de tissu pulmonaire, semblait jouer un rôle essentiel dans la régulation gazométrique du sang. L’expérience confirma son soupçon : il nota que seuls les dérivés dont les deux hydrogènes de la fonction sulfonamide n’étaient pas substitués avaient une action inhibitrice (sulfanilamide et sept antibactériens).
Horace W. Davenport (1912-2005), à Harvard, découvrit, en 1941, l’abondance de l’anhydrase carbonique dans les reins : cela suggéra à son collègue Rudolf Höber (1873-1953) que la diurèse alcaline accompagnant un surdosage en sulfanilamide puisse s’associer à une augmentation de l’excrétion de Na2CO3 résultant de l’inhibition de l’anhydrase carbonique.
On savait alors que la résorption de l’eau dans le tubule dépendait de celle du sodium et l’on montra peu après que l’anhydrase carbonique favorisait l’échange sodium/protons dans la portion distale du tubule : lorsque l’enzyme était inhibée, le sodium était excrété dans l’urine car sa réabsorption était bloquée.
Davenport se tourna vers Richard O. Roblin (1907-1985), chimiste chez Lederle, qui lui fournit du thiophène-2-sulfonamide (plus acide que les sulfonamides usuels, il était meilleur compétiteur sur le site actif de l’enzyme) : ce produit, puissant, permit de réaliser de nombreuses expériences sur l’anhydrase carbonique.
En 1949, William B. Schwartz (1922-2009), à Boston, administra du sulfanilamide per os à trois patients souffrant d’insuffisance cardiaque, mais fut limité par sa toxicité. Roblin et James W. Clapp lui proposèrent alors une vingtaine de sulfonamides hétérocycliques, au nombre desquels l’acétazolamide qui se révéla être 330 fois plus puissant que le sulfanilamide. Introduit en clinique comme diurétique en 1952, il ne reste utilisé que de façon marginale (Diamox).
Les diurétiques de l’anse
Le pharmacologue américain Karl H. Beyer (1914-1996), chez MSD, imagina que l’iatrogénie découlait du fait que le sulfanilamide inhibait l’anhydrase du segment distal des tubules et non seulement celle du segment proximal. Il chercha un inhibiteur proximal sélectif, espérant découvrir ainsi un antihypertenseur - le rôle du sodium dans l’hypertension était juste pressenti.
Divers dérivés synthétisés par James M. Sprague (1909-2000) et Frederick C. Novello permirent à Beyer de découvrir que la présence d’un second groupe sulfonamide augmentait l’excrétion du sodium, celle-ci étant plus potentialisée par l’introduction d’un chlore.
Cette équipe montra que l’introduction d’une amine réduisait l’inhibition enzymatique mais non l’excrétion sodique. C’est par hasard que Novello obtint alors un dérivé cyclique, le chlorothiazide, testé en 1956. Ce « salidiurétique » mit un terme à l’usage des organomercuriels chez l’insuffisant cardiaque et inaugura la famille des thiazidiques.
Celle-ci conduisit à la découverte d’une famille nouvelle, les diurétiques de l’anse, dont le chef de file, le furosémide, synthétisé par Walter Siedel et Karl Sturm, fut breveté en 1962 par le laboratoire allemand Hoechst.
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