Président et fondateur de l’association pour la sauvegarde du patrimoine pharmaceutique, Jacques Gravé a entrepris un inventaire des musées et des anciennes apothicaireries françaises, qui révèlent des richesses parfois insoupçonnées à travers tout le pays. S’il faut déplorer la fermeture ou la « mise en caisse » de plusieurs collections historiques, notamment celles de l’Assistance publique de Paris, de l’ancien Hôtel-Dieu de Lyon ou de l’hôpital de Pithiviers, un grand nombre de collections restent heureusement accessibles, même s’il faut souvent aller en demander l’accès à l’office du tourisme ou à l’hôpital voisin. En Côte d’Or par exemple, si les Hospices de Beaune et leurs collections sont mondialement connues, il existe cinq autres pharmacies historiques à travers ce département. Loin des grands centres historiques comme Paris ou Montpellier, de nombreux départements peuvent eux aussi se flatter de posséder plusieurs apothicaireries de grande qualité, situées dans d’anciens hôpitaux, ou réinstallées dans des musées municipaux.
Mais tous les pays européens disposent de collections pharmaceutiques, entretenues avec passion par des pharmaciens fortement motivés. C’est le cas du musée de la faculté de pharmacie de Belgrade, la capitale de la Serbie, dirigé par un jeune pharmacien universitaire, Uros Cakar, qui a présenté notamment les collections et objets liés à la Grande Guerre, où la Serbie et la France combattirent en tant qu’alliées. Pour lui, « si nous oublions l’histoire de notre profession, celle-ci mourra », estime-t-il en rappelant l’importance de se souvenir de ses racines professionnelles.
Longtemps confinée dans une vision purement historique, l’étude des ouvrages pharmaceutiques anciens dépasse désormais largement cette seule application. Pharmacien et historien turc, le Pr Halil Tekiner a passé au crible de la pharmacopée moderne les manuscrits ottomans du 14e au 17e portant sur les aphrodisiaques, alors largement consommés par les sultans et la cour de Constantinople. Un travail d’autant plus difficile, explique-t-il, que les substances polypharmaceutiques et magiques se mêlent dans ces traités, et que nombre de plantes ne peuvent être identifiées exactement ou ont totalement disparu. De nombreux produits, végétaux ou animaux, n’en émergent pas moins pour consolider le désir des sultans : la liste s’allonge au fur et à mesure des pages, associant testicules de coq, sang de moineau tout juste éclos, huile de lion et préparations de miel et de gingembre à appliquer sur le pénis, sans compter les onctions, poudres et sorbets. À l’inverse, ces manuscrits proscrivent l’eau froide, l’ail, le vinaigre et la laitue.
Au-delà de ces pittoresques inventaires, « Confronter les manuscrits et les herbiers anciens aux données issues de la bioinformatique permettra d’identifier de nouveaux effets pharmacothérapeutiques, ce qui montre bien l’importance de l’histoire pour la recherche contemporaine », a conclu Halil Tekiner.
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