Albert Couvreur est un pharmacien belge qui se passionna pour l’histoire de sa profession après une carrière en officine, puis dans l’industrie pharmaceutique à la tête des Établissements Albert Couvreur (par la suite, Laboratoires Alcon-Couvreur).
Il est connu pour avoir écrit, en 1954, une étude remarquée sur « Les enrobages modernes des dragées et des pilules » et pour avoir soutenu, en fin de carrière, une thèse à l’université de Strasbourg qui éclairait d’une lumière nouvelle le sujet très précis de « La Pharmacie et la thérapeutique au XVIIIe siècle, vues à travers le Journal Encyclopédique de Pierre Rousseau à Bouillon (1762-1790) ». S’attaquer à l’étude méthodique d’une telle somme scientifique et littéraire – souvent comparée à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert – révèle bien le caractère du pharmacien, passionné et avide de connaissances.
La formation de sa collection d’objets et d’ouvrages pharmaceutiques est sans aucun doute l’œuvre de sa vie qu’il lègue, à sa mort en 1955, à l’université catholique de Louvain (UCL) et qui constitue aujourd’hui le musée pharmaceutique Albert Couvreur, situé dans les locaux bruxellois de l’université. La salle qui conserve la collection accueille toujours les conférences d’histoire de la chimie et de la pharmacie organisées par le Centre d’études pour l’histoire de la pharmacie et du médicament (CEHPM).
Une collection remarquable
Cette collection est remarquable par la quantité et la variété des éléments qui la composent : albarelli, pots-canons, chevrettes et piluliers provenant de plusieurs pays d’Europe (Espagne, Italie, Pays-Bas, Allemagne, France…) et de diverses époques, de la Renaissance au XIXe siècle.
De magnifiques majoliques italiennes prennent place aux côtés d’élégantes faïences au décor hispano-mauresque, elles-mêmes confrontées aux productions anversoises et de Delft. Le tout logé au creux de boiseries XVIIIe siècle reconstituant une ancienne officine du Siècle des Lumières. La pharmacie d’autrefois n’est cependant pas complète sans les divers ustensiles de l’apothicaire : balances, poids pharmaceutiques, coupe-racines, distillateurs en verre, alambics en cuivre, une trentaine de mortiers, un pilulier tournant, ainsi qu’un appareil à fabriquer des bougies urétrales.
Enfin, Albert Couvreur apporta une attention toute particulière aux livres pharmaceutiques qu’il collectionna ad libitum : des indispensables antidotaires et autres pharmacopées au Cruydt-Boeck de Rembert Dodoens, alias Dodonée, célèbre médecin botaniste malinois du XVIe siècle dont les œuvres furent imprimées sur les presses Moretus Plantin à Anvers.
On verra également l’ouvrage du médecin siennois Pietro Andrea Mattioli ou encore l'« Histoire des oiseaux » de Buffon et l'« Histoire des plantes » de Jolyclerc. Il semble aussi qu’Albert Couvreur se passionna pour les écrits de Nicolas Lémery (son « Cours de Chimie », sa « Pharmacopée Universelle », son « Traité des drogues simples » et son « Traité de l’Antimoine »), ce qui donna l’occasion à plusieurs spécialistes de l’histoire de la pharmacie (Olivier Lafont de la Société d’histoire de la pharmacie, Jean Trouchaud de la Sorbonne, ou encore Elisabeth Motte-Florac, ethnopharmacologue, retraité de l’université de Montpellier, et Samir Boumedienne, chercheur en histoire de la médecine à l’ENS-Lyon) de s’exprimer, le 28 mai dernier, lors d’une journée de colloque consacrée à Lémery et son apport à la chimie et à la pharmacie (organisé par Mémo Sciences, l’UCL et le CEHPM).
Voyage dans la pharmacopée
Parcourir les innombrables pages descriptives des pharmacopées du temps de Lémery ou tenter de déchiffrer les noms des médicaments inscrits sur le flanc des vieux pots en céramique à l’intérieur de cartouches décorés, c’est le même voyage, celui que le pharmacien d’aujourd’hui peut faire pour comprendre son collègue d’hier. À travers les pots présentés dans l’exposition, on peut s’attarder sur quelques-unes de ces inscriptions qui nous semblent aujourd’hui si étonnantes :
- Myrobolans (MYR., MIR ou MYROB.). Déjà connus de la médecine indienne et arabe, comme en témoigne le célèbre livre de recettes pharmaceutiques, « Antidotaire Mésué », du Pseudo Mésué, médecin d’origine italienne établi au Caire, ils seront ensuite intégrés à la thérapeutique occidentale par le médecin byzantin Johannes Actuarius au XIVe siècle qui en parle dans sa « Composition des médicaments ».
Les myrobolans utilisés en pharmacie sont décrits comme des fruits desséchés venus des Indes Orientales ressemblant à des prunes ou des olives noires (de cinq types différents : MIR. CITRIN pour myrobolan citrin ; MYR. CHEB. ou CHEBUL. pour myrobolan chébule ; MYRO. BOL. EMBLIC pour myrobolan emblique ; MYROB. INDAF. pour myrobolan indien).
Ils étaient utilisés comme purgatifs et fortifiants, et l’on reconnaissait à chacun des vertus contre l’humeur bilieuse, la bile noire, la pituite ou le flegme. Aujourd’hui, ils ne sont plus utilisés en Occident (sauf en tannerie) mais sont toujours vénérés dans la médecine ayurvédique.
- Trochisques de Physalis (trochisci alkekengi : T ALKEKENGI.). Constitués de physalis, sang-dragon, gomme arabique, oliban (encens mâle) et mastic (gomme tirée du pistachier lentisque), ces trochisques (compositions sèches formées de drogues pulvérisées et incorporées à un liquide ou un mélange visqueux afin d'obtenir une consistance solide qu'on divise en petits cônes avant de faire sécher) remontent aussi au Pseudo Mésué. Lémery en vante les propriétés somnifères et ses effets contre les problèmes urinaires. Aujourd’hui, ce physalis chinois est utilisé en pharmacie pour ses vertus anti-oxydantes et anti-cancéreuses.
- Pilules de Starkey (PIL. STARKII.). La pilule est une forme galénique aujourd'hui désuète : on roulait un mélange de poudres et de substances molles sur une planchette à l'aide d'une règle pour obtenir un magdaléon (cylindre en consistance de pâte) qu'on divisait en petits morceaux égaux avec un couteau à cannelures ; puis on arrondissait ces fragments en petites sphères qui se durcissaient en séchant. Georges Starkey est un alchimiste anglais du XVIIe siècle dont les pilules étaient réputées pour guérir la folie grâce à l’opium et les racines d’ellébore blanc qu’elles contenaient.
- Onguent des Apôtres (APOSTOL. ou APOSTOLOR.). Il est aussi mentionné par le Pseudo Mésué. Constitué d’huile d'olive, de cire d'abeille, de litharge d'or, de vert-de-gris, d’aristoloche ronde, de résine térébenthine (du pin maritime ou du pistachier térébinthe), de résine commune, de gomme ammoniaque, d’encens mâle, de myrrhe, de galbanum, d’opopanax et de bdellium (cire obtenue par incision de l'écorce du gugulon), il servait à nettoyer et cicatriser les plaies et les ulcères notamment grâce à l’effet cicatrisant de ses gommes végétales.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin