Propriétaire d’une officine rue Montmartre, à Paris, François Buisson se passionne tout particulièrement pour la beauté des femmes : il élabore pour elles de nombreuses spécialités, avant de céder, en 1897, sa pharmacie à un jeune confrère, Jules Ratié.
À cette époque, la femme se doit de « projeter en avant ses appâts généreux ennuagés de dentelles », tandis que le « manque de gorge » est presque considéré comme une anomalie. Avec leur appellation évoquant la lascivité des harems de sultans, les Pilules Orientales caressent l’esprit pigeonnant de leur temps : en s’associant à un publicitaire, Jules Fortin, Ratié va bâtir sa renommée et sa fortune sur le galbe de la femme idéale.
Dorer la pilule
Fin commerçant, il fait prospérer son laboratoire et se lance même dans la vente par correspondance pour étoffer sa clientèle, tout en ouvrant des dépôts dans plusieurs pharmacies aux quatre coins du monde. Après la Grande Guerre, Ratié va diversifier son activité en lançant un véritable médicament, l’Eranol, solution d’iode colloïdal aux nombreuses et larges indications, pour laquelle il obtiendra même, en 1931, un remboursement par les Assurances-sociales. En 1953, Ratié transmet son entreprise à son fils, Raymond, mais les années d’opulence sont derrière eux : revendus à deux reprises, leurs laboratoires cessent définitivement leur production en 1961.
Succès froufroutant bâti autant sur l’image et sur le rêve que sur des principes actifs, les Pilules Orientales évoquent, par bien des aspects, d’autres produits plus récents qui savent eux aussi voguer sur les grandes tendances de notre époque.
Sans briser pour autant la légende, les deux auteurs répondent toutefois, à la fin de leur livre, à cette question que tout le monde se pose en le commençant : que contenaient donc ces fameuses pilules ? Essentiellement des plantes à vertus toniques et fortifiantes, du sel de fer, mais aussi et surtout du galéga, fleur blanche utilisée depuis l’antiquité pour favoriser la lactation. Mais leur présentation était sans doute aussi importante que leur composition : il s’agissait en effet de dragées sphériques, revêtues d’une feuille d’argent. Les auteurs nous rappellent qu’il était fréquent, à cette époque, de recouvrir les pilules d’un enduit d’argent ou d’or, tant pour les enjoliver que pour en masquer le goût amer : c’est d’ailleurs de là, précisent-ils, que vient l’expression toujours largement usitée de « dorer la pilule » à quelqu’un.
Cécile Raynal et Thierry Lefebvre : « L’épopée des Pilules Orientales », Le Square Éditeur, Paris 2018, 95 pages, 12 euros.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin