DANS LES SALLES du département des objets d’art au musée du Louvre, plusieurs vitrines renferment ces pots à pharmacie appelés albarelli, à la forme cylindrique particulière, légèrement concave au centre. Lorsqu’on regarde le matériau et le motif attentivement, on apprend leur histoire, lointaine, venue d’Orient, et poursuivie avec succès en Europe. De salle en salle, on est séduit par le décor de plus en plus foisonnant de ces objets. Née au Moyen-Orient, au VIIIe siècle, la faïence fut rapidement une technique très utilisée dans l’empire Abasside. Elle gagna ainsi l’Espagne, et notamment les villes de Malaga et Manisès, près de Valence, où les ateliers de potiers musulmans fleurirent, pour atteindre leur apogée au XVe siècle. Leur secret : la maîtrise de la technique du lustre consistant à appliquer sur une pièce en terre cuite, après déjà deux cuissons pour la fixation de la glaçure blanche et du décor, un lustre métallique doré à l’oxyde d’argent ou de cuivre, avant de cuire une troisième fois. Cet aspect brillant fit la fortune des céramiques dites hispano-mauresques dont les motifs géométriques et floraux rappelaient sans cesse la beauté des décors de la culture orientale. Ainsi d’un superbe albarello présenté au musée du Louvre, dont l’entrelacs bleu et brun des feuilles de lierre se retrouvera bientôt sur des vases de production italienne.
La majolique italienne.
Les Italiens commencèrent par passer des commandes aux Espagnols, et c’est pourquoi de nombreux plats, vases et pots arborent les armoiries de riches familles. La faïence lustrée était alors considérée dans les premiers temps comme luxueuse, avant de devenir d’un usage plus courant. Les objets importés d’Espagne passaient sans doute par l’île de Majorque et, de là, viendrait le terme de « majolique » désignant les productions locales italiennes dont les premiers exemples du XVe siècle sont dits « a zaffera in rilieva », c’est-à-dire ornés d’un décor au bleu de cobalt en relief sur un fond blanc ; une imitation de la porcelaine bleue et blanche de Chine que l’on cherchait à retrouver. Un ensemble commandé par l’hôpital Santa Maria Nuova de Florence vers 1530 à l’atelier de Giunta di Tugio revêt ce type de décor. Sur les vases conservés au Louvre, en plus du décor à feuillage stylisé, on aperçoit sur les anses une béquille peinte, la marque de cet hôpital qui était le plus grand de Florence à cette époque. Les productions italiennes rivalisèrent ainsi avec les céramiques étrangères grâce aux commandes des hôpitaux et des pharmacies qui avaient besoin de contenants étanches en grande quantité.
À la fin du XVe siècle, l’arrivée massive des céramiques d’Espagne dynamisa les productions qui s’embellirent de décors plus diversifiés et colorés. Un des plus anciens vases lustrés italiens, fabriqué à Deruta près de Pérouse vers 1470, serait le magnifique vase présenté au Louvre orné d’anses torsadées, de motifs stylisés et des armoiries de la famille Baglioni, alors très puissante dans la région dont un des membres, Braccio Baglioni, avait justement créé une pharmacie et commandé des pots en 1470 et 1476. Les majoliques de Deruta et Gubbio furent très admirées. Les armoiries, les animaux, les portraits et les couples d’amoureux restaient les motifs les plus courants au tournant du XVe et du XVIe siècle. De nombreux centres de productions firent leur apparition avec chacun une spécialité, ainsi de Faenza en Émilie, connu pour son décor « a quartieri », à compartiments, et « l’istoriato », le décor historié. Elle fut longtemps considérée comme le centre majeur pour la majolique italienne, à tel point que son nom donna le terme « faïence » en France.
Les potiers français.
Au XVIe siècle, des potiers italiens s’installèrent à Lyon et Nevers. Masseot Abaquesne à Rouen et Pierre Estève à Montpellier travaillèrent avec leur influence. Ce dernier aurait réalisé une série de pots à pharmacie à l’effigie des rois de France dont une chevrette figurant « Théodoric ou Thierry III », quinzième roi de France, exposée actuellement au musée d’Ecouen par le musée des Beaux-Arts de Dijon, le temps de sa rénovation. Elle devait contenir du sirop de tussilage, une plante proche du pissenlit, pour chasser la toux.
D’Orient en Occident, les albarelli sont plus que de simples objets pharmaceutiques au décor incroyable, ils sont aussi des objets symboliques. Un albarello, conservé au British Museum à Londres, signe en 1552 la réconciliation entre deux célèbres familles rivales de Rome, les Orsini et les Colonna, avec une inscription de bonne santé politique « Sarrimo boni amici » (nous serons bons amis).
Musée de la Renaissance au château d’Ecouen. Présentation d’œuvres du musée des Beaux-Arts de Dijon 2009-2012. Renseignements : 01.34.38.38.50.
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