S’il existait un classement des expérimentations médicales charlatanesques, celles de Serge Samuel Voronoff mériteraient d’y figurer en bonne place !
Né près de Moscou en 1866, notre homme arriva à Paris à 18 ans pour y entreprendre des études de médecine couronnées d’un doctorat en 1893. Quelques années plus tard, il créa un centre de chirurgie expérimentale à Nice, fort d’une expérience acquise auprès d’Alexis Carrel (1873-1944). Dès 1913, il affirmait avoir permis à des brebis castrées de retrouver leur fécondité après qu’il leur a greffé des ovaires et se lança dans les greffes de lamelles de thyroïde de singe à des patients hypothyroïdiens. Durant la Première Guerre mondiale, Voronoff consolida les fractures des blessés en leur incorporant des greffons d’os animaux, vivants ou bouillis. On s’en doute : les résultats ne furent guère durables - il en vint d’ailleurs à privilégier alors les autogreffes.
Le conflit terminé, Voronoff s’intéressa au rajeunissement de l’organisme, inspiré par les travaux de Brown-Séquard (1817-1894) sur les injections sous-cutanées d’extraits testiculaires mais privilégiant pour sa part l’insertion de languettes de testicules sous la vaginale protégeant la glande. Les premiers greffons furent prélevés sur des cadavres de condamnés exécutés puis, face à la demande, Voronoff changea de stratégie. Le 21 juin 1920, il greffa en effet des lambeaux de testicule de singe cynocéphale à un homme ayant perdu sa virilité à la suite d’une tuberculose. D’autres suivirent : Voronoff observa chez ses greffés un regain de vitalité au prix de complications rares et réduites. Ainsi, Sir Arthur Evelyn Liardet, un major anglais de 74 ans, « avait (…) retrouvé un aspect jovial (…) ; son corps s’était redressé et sa calvitie s’était couverte d’un épais duvet blanc », confiant d’ailleurs « qu’il avait eu avec sa femme les mêmes rapports qu’il y a trente ans ». Étendant les indications de sa greffe, Voronoff prétendit traiter les « invertis » et faciliter la prise en charge institutionnelle des vieillards : le « traitement aux glandes de singe » devint une mode et des milliers d’hommes furent traités par ce médecin, véritable star qui vivait dans un luxe ostentatoire. Face à ce succès, les testicules de singes vinrent d’ailleurs à manquer : soutenu par Monseigneur Leray, Supérieur de la congrégation cléricale missionnaire du Saint-Esprit qui fit capturer en nombre des chimpanzés, Voronoff poursuivit son activité en créant une ferme d’élevage dans sa maison de Grimaldi, à la frontière italienne.
Rapidement toutefois, des médecins remirent en question cette technique : la greffe des testicules de singe cristallisa les passions, beaucoup y voyant au mieux une opothérapie et, au pire, un placebo. Voronoff publia des ouvrages de plus en plus inspirés par le mythe de la jeunesse éternelle, et, parallèlement, fut abandonné par ses pairs. Parti en Amérique en 1939 pour une série de conférences, il en revint, en raison de la guerre, au terme d’un exil de six ans : aigri par le bombardement de son laboratoire parisien, et, surtout, par la destruction de son élevage de chimpanzés, il démissionna alors du Collège de France. Décédé dans l’oubli en 1951 à Lausanne, Voronoff fut inhumé dans le jardin de son ancienne ferme aux singes…
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