LÉONARD THOMPSON. Le nom de ce jeune Canadien est entré dans l’histoire il y a 90 ans. Inscrit dans l’une des sagas les plus remarquables de la pharmacologie : celle de l’insulinothérapie dont il fut le premier bénéficiaire. Et si l’injection du 11 janvier fut à l’origine d’un abcès et de réactions allergiques sévères, la deuxième, douze jours plus tard, réalisée avec une insuline mieux purifiée, fut un plein succès. Léonard vécut jusqu’en 1935 pour mourir à 27 ans d’une pneumonie, ayant constitué la preuve vivante de l’efficacité de l’hormone.
Mais commençons cette histoire en 1890, année où le physiologiste Étienne Barral montra que le pancréas libérait dans le sang un « ferment » actif sur la glycémie de chiens rendus diabétiques par pancréatectomie. L’idée de traiter le diabète en injectant un extrait pancréatique fit florès au début du XXe siècle, mais le contrôle de l’hyperglycémie ainsi obtenu par Nicolae Paulescu ou Charles Gardin, entre autres, restait fugace et exposait les animaux ou les… patients à de sévères réactions d’intolérance. Il faut noter que, dès 1909, un physiologiste belge, Jean de Meyer (1878-1934) avait proposé le nom d’« insuline » (du latin « insula » = île, en référence aux « îlots » de Langerhans) pour le principe actif produit par le pancréas - mais il ne poursuivit pas ses travaux et n’isola pas ce produit.
C’est en 1921 que l’insuline commença sa carrière. Des chercheurs de l’université de Toronto, travaillant avec le physiologiste John J. Mac Leod (1876-1935), le chirurgien Frederick G. Banting (1891-1941) et le biochimiste Charles H. Best (1899-1978) réussirent à isoler du pancréas d’animal une substance, « quelque chose de mystérieux qui, injecté à un chien diabétique, supprime tous les symptômes cardinaux de la maladie », qu’ils dénommèrent « islétine ». La suite, nous la connaissons : rebaptisée « insuline » et purifiée par James B. Collip (1892-1965), cette substance sauva Léonard Thompson ainsi que de nombreux autres patients pour lesquels il n’y avait aucun espoir - tel cette Américaine, Élizabeth Hughes Gossett, qui reçut d’août 1922 à son décès en 1981 plus de 42 000 injections d’insuline…
En 1922 un couple de Danois, August Krogh (1874-1949) et son épouse, Marie (1874-1943), furent invités à l’université Yale. Krogh n’était pas un inconnu : cet universitaire de Copenhague avait reçu le Prix Nobel de physiologie en 1920 ; sa femme, quant à elle, travaillait sur les maladies métaboliques. Ils rencontrèrent des diabétiques bénéficiant du traitement de Banting et Best et Marie, elle-même diabétique, persuada son mari de rencontrer Macleod afin d’essayer de produire l’hormone au Danemark. À leur retour, les Krogh, auxquels se joignit le professeur Hans Christian Hagedorn (1888-1971), isolèrent en décembre 1922 une petite quantité d’insuline du pancréas de bœuf. Des patients furent traités avec succès en Europe dès mars 1923, année où Hagedorn fonda le premier laboratoire dédié à l’extraction de l’insuline, le Nordisk Insulinlaboratorium.
Puis tout se précipita. En 1936, Hagedorn et son collègue Norman Jensen (1899-1946) prolongèrent l’action de l’hormone en l’associant à une protéine extraite du saumon, la protamine : les patients purent être équilibrés avec une unique injection quotidienne d’insuline « retard ». Deux ans plus tard, Scott et Fisher stabilisèrent cette forme par adjonction de zinc. Les travaux de Knud Hallas-Moller (1914-1984) livrèrent des insulines ayant des cinétiques variées dans les années 1940 et 1950. C. Krayenbühl et Th. Rosenberg parvinrent à obtenir des cristaux d’insuline-protamine (insuline NPH = Neutral Protamine Hagedorn). En 1946, des insulines, dites « biphasiques » associant dans une même ampoule forme retard et forme rapide furent commercialisées : l’insulinothérapie moderne était née.
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