C’EST en 1915 qu’un étudiant en médecine, Jay McLean (1891-1957), quitta sa Californie natale pour se présenter au professeur William H. Howell (1860-1945), à John Hopkins (Baltimore), avec une unique ambition : se prouver qu’il pouvait découvrir quelque chose en physiologie. Howell, qui travaillait sur la coagulation, rechigna à accepter le jeune homme qui, de plus, déclara vouloir conclure rapidement le projet car ses moyens financiers étaient limités. Il lui confia finalement un véritable pensum : purifier les facteurs procoagulants lipidiques extraits du cerveau du chien. S’étant acquitté de cette tâche, McLean travailla, de son chef, sur le foie, dont il isola une fraction procoagulante, mais aussi, fait inattendu, une fraction anticoagulante.
Howell restant sceptique, McLean déposa sur son bureau un bécher empli de sang de chat, y ajouta son extrait, lui demandant de le prévenir lorsqu’il y aurait coagulation. Le sang resta fluide… et Howell dubitatif : accepter l’idée de McLean revenait à admettre que le foie produisait un anticoagulant non protéique - chose impensable à l’époque.
1916. McLean, désargenté, reprit ses études. Devenu chirurgien, il suivit de loin le développement des travaux dont il avait été l’instigateur… pour finir par réclamer la paternité de l’héparine dans les années quarante. La controverse reste vivace : la fraction de McLean ne contenait-elle pas de l’héparine mais un lipide anticoagulant ? Une chose est sûre : son travail inspira à Howell la recherche qui conduisit à l’héparine que nous connaissons.
L’« héparphosphatide » de McLean était en effet devenu l’obsession de Howell. Il le nomma, en 1918, « héparine » et isola en 1922 sa propre fraction anticoagulante, purifiée par Henry A. Dunning (1877-1962). La tolérance de cette héparine, testée sur l’homme en 1924, fut problématique : les malheureux cobayes présentaient des céphalées, vomissaient, et étaient pris d’accès de fièvre. Une forme moins impure fut donc produite en 1928 mais l’héparine restait rare et onéreuse.
Apparut alors un personnage déjà évoqué dans nos colonnes : Charles H. Best (1899-1978), associé à la découverte de l’insuline mais écarté des honneurs ayant suivi (rappelons qu’il fut oublié lors du Nobel remis en 1923 à Banting et McLeod !), il décida de s’illustrer en produisant l’héparine en quantité industrielle. Son équipe imagina en 1933 un procédé de purification rentable à partir du poumon de bœuf. Peu après, en 1936, à Stockholm, Erik Jorpes (1894-1973), disposant de l’héparine extraite par le laboratoire Vitrum (grâce à la technique de Best) montra qu’il s’agissait d’un polysaccharide. Dans la foulée, les équipes canadiennes et suédoises testèrent l’héparine purifiée dans la prévention des thromboses post-opératoires. Son succès ouvrit en 1937 des possibilités nouvelles à la médecine et à la chirurgie…
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin