« LE PROPRANOLOL a été conçu avec excitation et sa naissance nous a comblés » : Sir James Whyte Black fut certainement le père heureux d’un médicament mondialement connu.
Né en Écosse, à Uddingston, en 1924, issu d’un milieu modeste, Black passa son doctorat en 1946 et partit exercer en Malaisie puis à Singapour avant de regagner le Royaume-Uni en 1950 pour créer un département de physiologie à l’université de Glasgow. C’est là qu’il jeta les bases d’une réflexion sur l’adrénaline et l’angor qui lui valut le Prix Nobel de médecine en 1988 et illustra le regard que posait Claude Bernard au XIXe siècle sur l’innovation « résidant dans le fait de voir ce que tout le monde voit, en pensant ce que personne a pensé ».
Précisément, alors qu’il y travaillait sur la sécrétion gastrique acide, Black rencontra George Smith (1919-1995), un chirurgien qui l’intéressa aux liens entre angine de poitrine et oxygénation du cœur. Black avait lu avec attention les travaux du pharmacologue américain Raymond P. Ahlquist (1914-1983) suggérant en 1948 que l’action de l’adrénaline et de la noradrénaline résultait de sa liaison à des « récepteurs » cellulaires qu’il avait appelés alpha et bêta. Il rejoignit l’Imperial Chemical Industries Pharmaceuticals (ICI Pharma, aujourd’hui AstraZeneca) en 1958 pour conduire un projet qui nécessitait d’importants moyens techniques : s’inspirant d’Ahlquist, d’observations cliniques (l’injection d’adrénaline induit une douleur angineuse), thérapeutiques (les vasodilatateurs ne sont pas tous efficaces dans l’angor) et physiologiques (l’angor est souvent associé à une tachycardie), celui que l’on appelait simplement « Jim » imagina que des médicaments bloquants les récepteurs bêta constitueraient un nouveau paradigme dans la prise en charge de l’angor en réduisant les besoins en oxygène du cœur. Black décida… de les créer en collaboration avec un chimiste, John S. Stephenson. Ils furent aidés par deux pharmacologues, C.E. Powell et Irwin H. Slater, auteurs en 1958 d’un rapport sur la dichloro-isoprénaline, un analogue de l’isoprénaline présentant la particularité d’avoir des effets opposés aux siens.
Les tests montrèrent qu’il avait une activité agoniste partielle et permirent à Black d’imaginer quel pourrait être le motif structurel d’un antagoniste adrénergique. Il s’inspira du squelette de l’isoprénaline pour dessiner le ICI 38,174 ou pronéthalol. Cette molécule ne déçut pas les attentes des deux chercheurs : exerçant une activité antagoniste sur les récepteurs bêta du myocarde sans agir sur les récepteurs alpha périphériques, elle réduisait le rythme cardiaque et augmentait la tolérance à l’exercice des patients angineux. Toutefois, le pronéthalol, cancérigène chez la souris, fut écarté au profit de l’ICI 45,520 qui n’était autre que le propranolol, commercialisé en 1964 sous le nom d’Inderal. Ayant inauguré la famille des bêta-bloquants et devenu l’un des principes actifs les plus prescrits au monde, le propranolol de Black s’imposa comme la plus importante découverte en cardiologie depuis la digitaline.
Mais, surtout, Black révolutionna le regard porté sur le développement de nouvelles molécules. En réfléchissant aux prérequis structurels nécessaires pour que les molécules soient actives avant de les synthétiser et de les tester, il fonda le « drug-design ».
Le médecin changea de laboratoire en 1964 : l’application du même procédé fut à l’origine d’une nouvelle trouvaille de génie. Mais ceci sera une autre histoire !
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