L’OBSESSION DU SOIN et de l’embellissement du corps n’est pas une invention de nos sociétés modernes. Les hommes et les femmes de l’Antiquité se préoccupaient de leur apparence et redoublaient d’imagination dans la fabrication des cosmétiques et de leurs contenants. L’huile pour le corps des athlètes grecs ou le fard rose pour les paupières des Romaines était affaire de mode. Le Moyen Âge continua cette tradition et la Renaissance fit de la beauté un culte.
Au musée de Cluny, autour de la réouverture du frigidarium restauré, salle froide des thermes de Lutèce, et au château d’Ecouen, avec la découverte des Appartements des Bains du connétable Anne de Montmorency, l’exposition Le Bain et le Miroir est l’occasion inédite de plonger dans les senteurs et les couleurs des Anciens et de comprendre l’importance du moment du bain dans la vie quotidienne de l’Antiquité à la Renaissance, plaisir, mais aussi mesure d’hygiène.
Boîtes à fard, appelées pyxides, résidus de poudre de maquillage (objets d’analyses des laboratoires de L’Oréal Recherche et du centre de recherche et de restauration des musées de France), petits cachets de poudre ophtalmique, avec la prescription gravée dessus, femmes à leur toilette à l’érotisme à peine caché des tableaux de la Renaissance, miroirs, peignes, cure-dents, cure-oreilles, pinces à épiler et manuscrits précieux, déclinent les gestes de la toilette.
Au-delà de l’aspect esthétique, l’exposition présente les préoccupations de propreté et d’hygiène et la recherche de remèdes au travers des produits de beauté, comme le symbolisent, au musée de Cluny, les statues en bois de Saint Côme et Saint Damien, patrons des médecins. Un fard ou un onguent embellit mais protège et soigne aussi, un parfum chasse les maladies. Au contraire, une crème peut être toxique, ce que dénonce Pline l’Ancien de la céruse, à base de blanc de plomb, sur le visage des Romaines. Le bain chaud permet la sudation et l’évacuation des liquides malsains et le bain froid guérirait, comme le rapporte un texte antique sur la fièvre critique de l’empereur Auguste.
Le Moyen Âge chrétien est moins friand des bains collectifs que l’Antiquité, vecteurs de licences et de maladies en ces temps de peste. Se développent alors des croyances et des moyens prophylactiques : un bijou en forme de martre est censé éloigner les puces, le peigne sert à s’épouiller, la pomme de senteurs, souvent luxueuse, pendue au vêtement ou au cou, doit protéger de la peste lorsqu’elle contient de la civette et du musc (exemple de l’ampoule retrouvée à Erfut en Allemagne). Les pharmacies se développent, emplies de pots à onguents en faïence d’Espagne.
La Renaissance va perpétuer les savoirs et invente le bain privé aristocratique. À Ecouen, autour du beau portrait de la Dame à sa toilette, d’après François Clouet, les images exaltent la nudité sur le modèle de l’antique mais reflètent aussi un souci de précision anatomique, comme les gravures des Bains de Dürer.
Avec cette exposition, on comprend que soin du corps et thermalisme n’ont cessé d’être d’actualité : Montaigne, pour soigner sa gravelle, n’était-il pas comme nous un adepte des cures ?
Musée national du Moyen Âge des Thermes de Cluny
Musée national de la Renaissance au château d’Ecouen.
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