LA PODOPHYLLE ou « pomme de mai » (Podophyllum peltatum), une Berbéridacée de l’est des États-Unis, n’a rien à voir avec la mandragore comme son nom de « mandrake » le suggérerait ! Elle était l’une des vedettes de la pharmacopée indienne avant l’arrivée des Européens puisque le décocté de son rhizome était employé par les Indiens Wyandotte comme laxatif vermifuge ; les Cherokees l’utilisaient quant à eux pour traiter la surdité ; les Iroquois et les Hurons comme insecticide ou poison… Dans son Indian Doctor’s Dispensatory, édité à Cincinnati en 1813, un spécialiste des traitements traditionnels des sociétés indiennes, le docteur Peter Smith (1753-1816), recommandait l’application de poudre du fameux rhizome sur les verrues qui disparaissaient alors comme par enchantement.
Ce fut toutefois un médecin de l’Ohio également attentif aux savoirs locaux, John King (1813-1893), qui promut l’extrait résineux de la plante : il sut convaincre William S. Merrell (1798-1880), directeur du Western Market Drug Store de Cincinnati, de le commercialiser auprès des médecins. Proposée comme laxatif et verrucide sous le nom de Podophyllin à partir de 1847, la résine connut une popularité durable et fit son entrée dans les pharmacopées (1860 : pharmacopée US ; 1864 : British Pharmacopoiea). Son utilisation comme laxatif est devenue obsolète depuis car elle irrite la muqueuse intestinale.
D’un verrucide à des anticancéreux.
L’extraction du principe actif essentiel de la résine, la podophyllotoxine, par V. Podwyssotzki (1880) fut un préambule aux travaux de I. W. Kaplan qui, bien plus tard, en 1942, suggéra son potentiel antinéoplasique et furent à la base de son usage dans la destruction des condylomes acuminés (c’est toujours son indication : Condyline, solution pour application locale). L.S. King et M.M. Sullivan expliquèrent cette action en 1946 : il s’agit d’un poison de la mitose, inhibant la métaphase en se fixant à la tubuline. Sa structure fut établie en 1951 par Anthony W. Schrecker (1915-1993) et Jonathan L. Hartwell (1906-1991), phytochimistes au National Cancer Institute : ils montrèrent notamment qu’il ne s’agissait pas d’un alcaloïde mais d’un lignane. Enfin, Walter J. Gensler et Christos D. Gatsonis (1933-2001) parvinrent à réaliser sa synthèse complète à Boston en 1962.
Toutefois, les essais cliniques conclurent à une toxicité trop importante pour que la podophyllotoxine puisse être utilisée comme anticancéreux systémique. Il n’en alla pas de même pour certains de ses dérivés d’hémisynthèse tels l’étoposide (VP-16 ou étoposide générique, Étopophos) et le téniposide (VM-26 ou Véhem-26), fruits de programmes de recherche entrepris dans les années 1950. Byron H. Long et Anil Minocha prouvèrent en 1982 qu’ils sont, eux, en fait, des inhibiteurs de la topo-isomérase II.
L’histoire retiendra que Discoride, médecin grec du Ier siècle, traitait par l’huile de genévrier les verrues alors que son homologue romain, Pline l’Ancien, préconisait le recours à cette plante contre les tumeurs cutanées. Un manuel anglais du Xe siècle, le Bald’s Leechbook (« Livre des remèdes de Bald ») recommandait l’usage de la racine du cerfeuil sauvage (Anthriscus sylvestris) pour traiter les tumeurs. L’analyse a révélé que ces plantes contiennent toutes… de la podophyllotoxine !
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