Histoire de plante

La salicaire, herbe aux coliques

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Publié le 06/04/2023
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Salicaire (Lythrum salicaria)

Salicaire (Lythrum salicaria)
Crédit photo : Jacques Fleurentin

La salicaire (Lythrum salicaria L., lythracées) est une grande herbe vivace atteignant 1,50 mètre de haut des régions tempérées de l'hémisphère Nord et de l'Australie. Elle affectionne les lieux humides et les bords des étangs ou des rivières et se reconnaît à sa superbe hampe florale d'un violet rouge intense formée de fleurs en grappe avec un calice velu à 12 dents, six pétales et 12 étamines. Les fruits sont des capsules renfermant de nombreuses graines jaunâtres. La tige quadrangulaire porte des feuilles opposées, lancéolées et rarement verticillées. La salicaire est bien représentée et même considérée comme invasive au Canada et dans l'est des États-Unis ; un plant peut fournir jusqu'à 2,7 millions de graines par an et se propage activement par rhizome. Elle est pollinisée par une abeille sauvage solitaire spécifique et par les abeilles domestiques.

La salicaire n'est pas connue des traités de médecines grecque et arabo-persane. Pourtant le nom latin lythrum vient du grec lytron qui signifie sanglant. Au Moyen Âge, elle était salutaire contre les saignements de nez et les règles hémorragiques.

Astringente et utile dans les diarrhées

En Europe, appelée l'herbe aux coliques, elle est réputée en médecine populaire astringente et utile dans les diarrhées. Les Anglais l'employaient au XIXe siècle dans les épidémies de choléra et les Allemands contre la typhoïde pendant la Première Guerre mondiale. Des usages vétérinaires traditionnels de la salicaire contre la diarrhée des animaux sont mentionnés en Italie.

En application locale, la salicaire est réputée soulager les irritations et l'eczéma. Cazin (XIXe siècle) précise son intérêt dans les diarrhées atoniques, les dysenteries chroniques, les hématuries (présence de sang dans les urines) et la leucorrhée (perte blanche de la vulve).

Les jeunes pousses peuvent être consommées cuites en légume.

Les sommités fleuries récoltées par temps sec contiennent des tannins galliques (5 à 12 %) astringents (la pharmacopée européenne exige un minimum de 5 %), des hétérosides (salicarine), des anthocyanosides donnant leur couleur aux pétales, des flavonoïdes (orientine, vitexine), des flavanols, des acides phénols (chlorogénique) et des alcaloïdes (lythranine).

Les effets antidiarrhéiques sont liés aux tannins astringents ; ils ont été démontrés chez la souris et confirmés dans une étude clinique. Ils sont antibactériens vis-à-vis d'Escherichia coli, de Listeria, de Staphylococcus aureus, de Proteus mirabilis et antifongique vis-à-vis de Candida albicans. Une triple action est décrite : l'inhibition de la croissance et de l'adhésion aux cellules intestinales d'E. coli et une conservation de l'intégrité de l'épithélium intestinal.

La salicarine, anti-inflammatoire, antalgique et antioxydante

Des actions anti-inflammatoire, antalgique et antioxydante, dans lesquelles la salicarine est impliquée, sont mises en évidence. Les effets hémostatiques de la salicarine ont confirmé les usages populaires. La salicaire s'est révélée hypoglycémiante en baissant les taux de glucose chez des rats normaux recevant du sucre et chez des rats rendus diabétiques par la streptozocine, la salicarine est impliquée dans cette propriété. Une étude a également montré un effet bronchodilatateur et antitussif comparable à celui de la codéine.

D'autres travaux montrent l'intérêt des extraits dans la reconstruction de l'épiderme et de la peau et la stimulation des kératinocytes.

La salicaire est sans aucun doute la plante de référence à conseiller dans les diarrhées, mais n'a plus en pharmacie la place qui lui revient, compte tenu d'un long usage traditionnel en Europe et des travaux démontrant ses propriétés.

 

Du bon usage des plantes qui soignent (2022) Fleurentin J., Éditions Ouest France, 414 p www.ethnopharmacologia.org

Jacques Fleurentin
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Source : Le Quotidien du Pharmacien